Il faut toujours revenir aux filmographies des cinéastes ; après leur mort, elles font œuvre et sinon, elles éclairent leur parcours. Ainsi le dernier film de Paul Verhoeven, présenté récemment à Cannes et objet d’une critique dans le litteraire.com, Benedetta trouve un écho, une source assurément dans un film plus ancien, qui n’a pas marqué les mémoires.
Après ses débuts néerlandais entre 1971 et 1983, le réalisateur débute une carrière américaine et en anglais avec La chair et le sang ( Flesh and Blood) en 1985, qui sera suivi par le célèbre Robocop, deux ans plus tard.
Il s’agit là aussi d’un film « historique » en costumes, plongeant les spectateurs dans des temps fort troublés de l’Europe de la fin du Moyen Age sans que l’on soit tout à fait fixé sur les lieux de l’action même si le seigneur Arnolfini (nom sans doute emprunté à Van Eyck) entre en scène au début du film. Curieusement d’ailleurs ce potentat qui passe pour Italien a un fils prénommé Steven !
Verhoeven donne dans les scènes de combats épiques et sanglants entre soudards, mercenaires et soldatesque. La promise du fils savant, incarnation de l’esprit de la Renaissance qui advient (Leonard de Vinci n’est-il pas ingénieur ?), une dénommée Agnès (Jennifer Jason Leigh) à la blondeur hollywoodienne comme Virginie Efira, se fera violée par des hommes de mains qu’Arnolfini n’a pas payés comme convenu. Scène longue de pénétration virile sans « sextoy » comme dans Benedetta, qui apprend la jouissance à la donzelle.
Verhoeven élabore ainsi une imagerie ambiguë, malsaine et complaisante comme dans son dernier film. Le violeur sait donner du plaisir ! Ce dernier, Martin, est un chef de bande interprété par le blond Rutger Hauer qui incarne sans nul doute, les aspirations libertaires du réalisateur : prendre un château fort et en devenir le seigneur hédoniste, libertin au sens religieux du terme.
Dans les deux films, Verhoeven met en avant des figures du dés/ordre : Benedetta est présentée comme une usurpatrice, en évinçant la mère supérieure, Felicita, et de même pour Martin du côté du pouvoir militaire. Mais ce qui frappe dans la proximité des deux réalisations, c’est à la fois une esthétique de kitsch et d’une iconographie cinématographique identifiable dans les costumes, la musique, la mise en scène et la thématique de l’épidémie. La peste tient un rôle majeur dans le film de 1985. Elle est une menace sourde, omniprésente.
Pour venir à bout de Martin et de sa bande et pour mettre fin au siège devant le château, un ex-capitaine d’Arnolfini y envoie un cadavre de chien en morceaux contaminé qui en outre polluera les eaux du puits. Seule Agnès prendra conscience du danger et empêchera son amant Martin de boire de l’eau viciée. La peste vient toujours de l’extérieur, soit hors du château assiégé, soit de Florence, loin de Pescia dans le film Benedetta. Bubons de la peste noire.
Verhoeven aime aussi la putréfaction, le sang qui gicle. Ses deux héros, Martin et Benedetta dans les derniers plans des films, partent solitaires mais de façon inversée : Martin rescapé de l’attaque contre le château s’éloigne vers de nouvelles aventures tandis que la nonne lesbienne retourne au couvent jusqu’à la fin de ses jours.
Ainsi, il semble bien que la veine de la pseudo reconstitution historique médiévale dans l’oeuvre de Verhoeven fasse écho à celle de la science-fiction qui, d’ailleurs, y tient une place plus importante et lui permet de s’émanciper d’un cinéma qui sonne souvent faux — en tout cas qui ne lui permet pas totalement d’être créatif.
Le film de genre est indéniablement une matrice de son œuvre.
marie du crest
La chair et le sang
Réalisateur : Paul Verhoeven
Format : PAL
Durée : 2h06 mn
Date de sortie : 5 juillet 2005
Acteurs : Rutger Hauer, Jennifer Jason Leigh, Tom Burlinson, Jack Thompson, Fernando Hilbeck
Doublé : : Anglais, Français
Sous-titres : : Anglais, Français
Studio : MGM / United Artists
Prix : 17,00 €