Gabrielle Althen traque la vie et surtout la beauté à travers l’indicible. Elle ne s’interdit pas les codes qui permettent sa réparation. Si bien que tout s’ajuste en de beaux renversements de situations.
Un mouvement gonfle ou parfois se réduit. Il y a encore des saisons des désirs. Mais la poétesse devient toujours plus sage même si la quête de l’impossible ici-même persiste.
Et ce, pour rappeler surtout que la beauté existe. Qu’elle n’est pas toujours où on le pense. S’y embrassent la fragilité de l’incertitude, les gravitations intempestives, des tourbillons d’équilibres. Existent d’étranges extases de l’immédiat par la grâce des images.
Le regard capte l’aujourd’hui lorsqu’il s’écarte à peine et que son sommeil est décapité.
L’anxiété parfois anticipe et s’attarde, avec la lenteur d’une coulée sans fin, pour localiser l’endroit où la beauté commence.
Cela, par enjambements, élancements, « délies » chères à Louise Labbé que l’artiste affectionne et qui retiennent le cours du temps non sans un certain sens du rite.
Le poème en prose accorde jusqu’aux angles morts la possibilité de cacher la vie dont le livre nourrit la lumière.
Qu’importe si l’ouest part avec le soleil, cette lumière reste au coeur de l’obscur que l’auteure fait vibrer pour que — s’y frottant — un feu jaillisse.
C’est là la fête invisible “à même la table du vivant” dans le bleu des amours qu’il faut apprendre à cultiver d’une “ferveur studieuse”.
Le tout en un voyage de vie à chercher non trop loin mais “dans le mauve de veines” où “un peu de la pensée” s’égare pour traquer la menace toujours plus prégnante du vide.
jean-paul gavard-perret
Gabrielle Althen, La fête invisible, Gallimard, collection Blanche, 13 mai 2021.