L’oeuvre d’Anne-Marie Jeanjean exerce sur l’esprit et sur la perception du monde une fascination. En émergent une lumière et une sonorité connues mais étrangères sur lesquelles on ne peut mettre de nom. Cet étrange magma ou montage ne crée pas du chaos mais un ordre. Chaque texte désigne l’être en des transpositions « graphiques ». A l’immobilité fait place le défilé d’impressions fugitives.
Nous sommes mis en présence de ce que nous ne distinguons pas si nous lisons trop vite les créations de la poétesse. Elles demandent une “écoute” particulière là où tout se joue entre expansion, énergie mais aussi « manque » ou recueil de marques qui deviennent la substance même de la poésie. Cette interaction impose une puissance envoûtante.
Chaque œuvre égare. Elle porte à proximité de la disparition mais aussi dans l’imminence d’un retour au sein d’une solitude partagée.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La saveur d’un thé de Chine qui change chaque matin.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Ils se réalisent : je lis (presque) ce que je veux-j’écris de toutes les manières possibles avec colle, ciseaux et tout instrument traditionnel ou non.
A quoi avez-vous renoncé ?
A RIEN… moyennant plaies et bosses structurantes avec le temps ainsi que l’apprentissage de la solitude.
D’où venez-vous ?
D’une famille où justice, culture et liberté devaient sauver l’humanité.
Qu’avez-vous reçu en “héritage” ?
Un certain goût pour le combat.
Un (petit) plaisir quotidien ?
Savourer, mâcher et remâcher des expressions, des vers classiques certaines proses ou des poètes sonores.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres poètes ?
Mon extrême lenteur peut-être…
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Un dessin très sommaire à l’encre : silhouette d’une femme près d’un lac.
Et votre première lecture ?
Non pas première, mais la plus questionnante : le texte se apportant à ce dessin : une femme folle de douleur… j’avais 7–8 ans.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Tout dépend du moment, actuellement “Les Barricades mystérieuses” …mais en fait tous les répertoires ainsi que les musiques du monde, notamment d’Asie.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
???… Bien trop vagabonde pour un seul livre !
Quel film vous fait pleurer ?
“The pillow book”.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Quelqu’un que je connais encore très mal…
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A Saint John Perse.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Saint Pétersbourg.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Akhmatova, Lou Andréa Salomé, Krochka, Inès Wickmann, Alain Robinet, Julien Boutonnier, ..
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
L’énergie de vingt ans de moins…
Que défendez-vous ?
Les fondamentaux républicain : liberté de penser, de s’exprimer et d’agir pour toutes & tous…
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
C’est la question à tenter d’approfondir, [il me semble que des éléments se trouvent dans la plupart de mes livres, de Via Scavi (1982) en passant par La Veine Basilique (2001) à SANS brise-lames…] même si la réponse n’est pas plaisante.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
… de quelle surdité jouée ou non s’agit-il …?
Et si le coeur vous en dit celle de Vialatte : “L’homme n’est que poussière c’est dire l’importance du plumeau” ?
Très drôle le plumeau… mais je préfère Tchouang Zi…
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Celle au sujet de ma passion pour l’écriture visuelle.
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 4 mai 2021.