Un des intérêts majeurs de cette édition établie par Emmanuelle Lambert et Gilles Philippe est de faire retour pour ces republications, non aux versions qu’en proposèrent Gallimard à partir de 1951, mais aux textes premiers en des éditions plus ou moins confidentielles ou clandestines.
Pour les émissions “officielles”, Genet avait révisé directement ou indirectement (avec son accord) les textes originaux pour moduler certains aspects sexuels ou politiques.
Cette “révision des révisions” était donc une nécessité. Elle permet d’apprécier au plus près de ce que Cocteau évoquait à propos de Notre-Dame-des-Fleurs mais qui peut s’appliquer à toute l’oeuvr e; “un grand événement de l’époque. Il me révolte, me répugne, m’émerveille”. Et le poète d’ajouter plus tard : “l’auteur se met hors d’atteinte assis sur quelque trône du diable dans un ciel vide”.
Comme dans son théâtre — déjà paru dans La Pléiade -, romans et poèmes sont des glaïeuls incendiaires. Genet arrache l’écorce du réel pour voir ce que ça cache.
Le tout dans un langage de feu qui mêle l’ordure et le classicisme, preuve qu’il est la chair d’une humanité criminelle mais qui rêve d’absolu voire de sainteté.
Jaillit de la sorte un savoir redoutant d’être lui-même et son envers. Ici, le diable à face humaine lorgne non vers dieu mais l’absolu en marchant dans un corps fendu comme une plaie mais qui sut — sortant de la froideur des geôles et de la chaleur des oasis — trouver une langue arachnéenne pour aller de l’obscène à l’âme sous des regards impudiques et pour épuiser le silence afin, qu’émergeant de sa tanière, l’animal ose l’homme et son sang qui se transforme parfois en vin de fête.
jean-paul gavard-perret
Jean Genet, Romans et poèmes, Gallimard, coll. La Pléiade, Paris, avril 2921, 1648 p. — 71,00 €.