Le Cahier est issu d’un moment d’écriture qui a pour support un cahier Conquérant de 90 pages à petits carreaux; il est manuscrit jusqu’au moment où je l’écris de nouveau , cette fois-ci sous la forme d’un texte.
J’y prône la possibilité donnée à l’écrivain de, tout en parlant de lui, tenir un discours pour autrui.
J’aime la forme “je”, qui a des principes d’identification auxquels je prête foi.
Fragment VII ou Le langage
Écrire doit être un temps coupé du temps, un endroit sans endroit. Sorte de théâtre mental sans corps, juste copiant la vie fragile de la scène du théâtre où se jouent les vies. Expérience psalmodique.
En fait : n’être pas et supposer la réalité. Continuant le soi. Le déterminant. Le conditionnant. Expression écrite, langage.
Équilibre. Ce que je consigne à l’instant, c’est une forme presque obsolète de moi-même car sur le curseur de la durée je vis au passé, me dilatant dans le temps je ne suis jamais écrit au présent proprement.
Cette danse du présent qui recule — et c’est son essence — absorbe sa définition.
Il danse comme un feu follet. Ce qui dès lors me confronte au feu de ma capacité, je le dois au léger écart qu’il y a, non pas dans l’heure qui va, mais entre ce que je comprends de moi et ce que le lecteur saisit de moi sans presque de connaissance objective.
Disons : une apothéose sans acmé, sans presque de nature, jamais arrêté.
Petite apothéose sans éclat, présence sans éclat, jour sans éclat. Tout revenant à ce qui est écrit sur ma page.
La totalité de la vacance crue de la perpétuation.
Inventer des périodes : ici et là, le passé, ce qui vient et, au centre la parole, ce qui vibre, se meut sans mouvement. Depuis cette ondulation en moi, des luttes, un entrain, un feu disais-je.
Pérégrination qui ne vaut que par le sentiment final d’élévation — d’apothéose — qui fait surplomb à ma vie psychique. Donc, conçu par fragment.
Se remplir, mais avec un chant qui meurt dès l’instant où il est consigné, comme tout dans notre existence se consigne pour disparaître, toujours et à jamais. Il y a route, c’est tout ce que je puis avancer.
Car de sommet, il n’y en a. Cela vaudrait plutôt pour de la profondeur.
Rendre simple, voire pauvre. Juste éviter la lourdeur des choses répétées. Opération. Alchimie.
Raréfier la denrée du langage. Tendre vers un métal noble.
didier ayres