Didier Ayres, Cahier, “Fragment VII ou Le langage”

LCahier est issu d’un moment d’écriture qui a pour sup­port un cahier Conqué­rant de 90 pages à petits car­reaux; il est manus­crit jusqu’au moment où je l’écris de nou­veau , cette fois-ci sous la forme d’un texte.
J’y prône la pos­si­bi­lité don­née à l’écrivain de, tout en par­lant de lui, tenir un dis­cours pour autrui.
J’aime la forme “je”, qui a des prin­cipes d’identification aux­quels je prête foi.

Frag­ment VII ou Le lan­gage 

Écrire doit être un temps coupé du temps, un endroit sans endroit. Sorte de théâtre men­tal sans corps, juste copiant la vie fra­gile de la scène du théâtre où se jouent les vies. Expé­rience psal­mo­dique.
En fait : n’être pas et sup­po­ser la réa­lité. Conti­nuant le soi. Le déter­mi­nant. Le condi­tion­nant. Expres­sion écrite, langage.

Équi­libre. Ce que je consigne à l’instant, c’est une forme presque obso­lète de moi-même car sur le cur­seur de la durée je vis au passé, me dila­tant dans le temps je ne suis jamais écrit au pré­sent pro­pre­ment.
Cette danse du pré­sent qui recule — et c’est son essence — absorbe sa définition.

Il danse comme un feu fol­let. Ce qui dès lors me confronte au feu de ma capa­cité, je le dois au léger écart qu’il y a, non pas dans l’heure qui va, mais entre ce que je com­prends de moi et ce que le lec­teur sai­sit de moi sans presque de connais­sance objec­tive.
Disons : une apo­théose sans acmé, sans presque de nature, jamais arrêté.

Petite apo­théose sans éclat, pré­sence sans éclat, jour sans éclat. Tout reve­nant à ce qui est écrit sur ma page.
La tota­lité de la vacance crue de la perpétuation.

Inven­ter des périodes : ici et là, le passé, ce qui vient et, au centre la parole, ce qui vibre, se meut sans mou­ve­ment. Depuis cette ondu­la­tion en moi, des luttes, un entrain, un feu disais-je.
Péré­gri­na­tion qui ne vaut que par le sen­ti­ment final d’élévation — d’apothéose — qui fait sur­plomb à ma vie psy­chique. Donc, conçu par fragment.

Se rem­plir, mais avec un chant qui meurt dès l’instant où il est consi­gné, comme tout dans notre exis­tence se consigne pour dis­pa­raître, tou­jours et à jamais. Il y a route, c’est tout ce que je puis avan­cer.
Car de som­met, il n’y en a. Cela vau­drait plu­tôt pour de la profondeur.

Rendre simple, voire pauvre. Juste évi­ter la lour­deur des choses répé­tées. Opé­ra­tion. Alchi­mie.
Raré­fier la den­rée du lan­gage. Tendre vers un métal noble. 

didier ayres

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