L’envers et l’endroit
Gérard Garouste et le philosophe Marc-Alain Ouaknin partagent depuis plusieurs années la même passion pour la Bible, le Talmud, la Kabbale, la philosophie, et l’œuvre de Franz Kafka. Correspondances est l’histoire de leur rencontre.
L’exposition présente un ensemble d’une vingtaine de tableaux du créateur en une plongée jubilatoire dans l’univers de Kafka. Et même si, par le passé, l’artiste avait déjà embrassé l’œuvre d’écrivains comme Dante, Cervantès, Rabelais ou Goethe, la démarche est ici inédite.
Le réalisme et le fantastique s’y mélangent avec une sorte de “naïveté” jubilatoire, audacieuse en une traversée d’époques et de symboles. Les silhouettes et les paysages créent des rebondissements qui anticipent récits et filiations secrètes.
Tout s’anime et dans chaque tableau les détails questionnent le regard et la pensée vers des ascendances dont Kafka reste le vortex.
Quant au dialogue du peintre et du philosophe, il souligne leur travail commun au fil du temps et ce, avec tout le sérieux ludique des kabbalistes. Cette approche invite à décortiquer les mots et leurs sens, les jeux de langage de la tradition hébraïque et leur présence prégnante dans l’univers de Kafka.
Le Pragois devint ainsi l’héritier et le passeur d’une tradition ancestrale tout en incarnant une certaine modernité littéraire, qui dynamise la puissance des mythes, et leur résurgence.
C’est en des rencontres hebdomadaires qu’ont surgi des réflexions sur le « Alt –Neu » (le vieux –nouveau).
A savoir comment la pensée, comme la pratique artistique, se nourrit grâce au langage et aux images, d’un aller-retour permanent entre l’ancien et le moderne.
Chacun à sa manière invite à repenser la langue et les images, les représentations qu’elles véhiculent dans leurs liens à l’histoire et l’inconscient, la légende et le sacré. Apparaissent, sous une pluie de confettis, la Samaritaine du Nouveau Testament en dialogue avec une belette, heureuse de faire le tour du monde dans un ballon dirigeable accompagnée par Martin Buber, Walter Benjamin, Tintoret, un écureuil et les trois sœurs de Kafka, des chiens volants et la reine Esther, et tout un aéropage dont un étrange chat est le fil conducteur.
Les toiles sont aussi riches que violentes, aussi classiques que post-modernes. Existe un “délire” ordonné là où Garouste par sa peinture souffle sur bien des braises. Tout semble irréel, somnambulique et ce, parce que la syntaxe de la peinture sort de la banalité pour une sorte d’extase matérielle et métaphysique de la vie au-delà de l’écume de la seule raison par un concert visuel.
Garouste n’y disjoint jamais les causes et les effets de l’art, de la littérature et de la pensée.
jean-paul gavard-perret
N.B. En addenda à l’exposition, un film réalisé par Olivier Garouste documente l’interaction entre les deux hommes en insistant sur la méthodologie de leur étude et de la transmission des savoirs, sur le geste du peintre et la démarche herméneutique du philosophe, au rythme d’une traversée de Paris, avec ses ponts et ses grands magasins le tout accompagné par des réflexions sur l’art d’Olivier Kaeppelin.
Gérard Garouste (et Marc-Alain Ouaknin), Correspondances, Galerie Templon, 28 rue du Grenier-Saint-Lazare, Paris, du 25 mars au 22 mai 2021.
On est loin de cafévalpins ! Alors on danse ! JPGP ordonne un ballet de qualité à partir de ” Correspondances ” entre arts , littérature et pensée .