Sans la télé

Les sou­ve­nirs d’enfance d’un ciné­phile devenu écrivain

C’est devant Il était une fois dans l’Ouest que je prends clai­re­ment conscience que la télé­vi­sion ne per­met pas de voir. Juste d’apercevoir.
La télé­vi­sion est trop petite. Elle réduit les trains à la dimen­sion des vers de terre. Alors qu’un écran de cinéma agran­dit les cha­peaux de cow-boys comme des cha­pi­teaux.

Le cinéma tra­verse les romans de Guillaume Gué­raud comme un écran blanc inin­ter­rompu der­rière les mots. Rien d’étonnant alors que ses sou­ve­nirs d’enfance soient ceux d’un ciné­phile. Mais pour cet auteur, qui conserve sa sin­gu­la­rité et une écri­ture non consen­suelle dans le pay­sage de la lit­té­ra­ture jeu­nesse, l’exercice ne pou­vait que sor­tir des sen­tiers balisés.

Le petit Guillaume, huit ans, est le seul enfant de sa classe à ne pas avoir la télé et ne peut par­ti­ci­per aux dis­cus­sions entre copains sur Gol­do­rak ou La petite mai­son dans la prai­rie. Mal­gré ses sup­pli­ca­tions, la mère ne cède pas mais l’emmène au cinéma. Bien qu’il s’agisse de films aux­quels il ne com­prend pas grand-chose, l’enfant se pas­sionne et refait les scé­na­rios à sa manière (La Dame aux camé­lias devient La Dame aux cra­chats) devant un par­terre de mômes éba­his. Oubliée la télé ! Guillaume est ins­crit au “ciné-récré” les same­dis et mer­cre­dis après-midi.
Je rêve de deve­nir le héros d’un film alors que mes cama­rades rêvent de por­ter le maillot vert de l’équipe de Saint-Etienne avec Michel Pla­tini.

Il se forge ainsi une solide culture ciné­ma­to­gra­phique en voyant de vieux films, tous genres confon­dus, depuis les courts métrages du cinéma muet jusqu’aux block­bus­ters amé­ri­cains ; sur­tout, cer­tains films cor­res­pondent à des moments impor­tants de son enfance et de son ado­les­cence. N’ayant jamais connu son père, il s’imagine un temps qu’il s’agit de Mont­go­mery Clift ; il découvre le désir devant Duel au soleil, la poli­tique à tra­vers E.T., les dif­fé­rences sociales et la misère humaine avec Le Voleur de bicy­clette.
À l’adolescence, les choses se com­pliquent un peu car Guillaume aime les filles, presqu’autant que le cinéma, mais a quelques dif­fi­cul­tés à par­ta­ger en leur com­pa­gnie les films qu’il aime. En gran­dis­sant, ses goûts changent en même temps que son regard sur le monde.

Les dix-neuf cha­pitres qui couvrent les années 1980 sont autant d’épisodes drôles, émou­vants ou tra­giques qui forgent la per­son­na­lité du futur écri­vain. Tout comme ses romans noirs, Sans la télé se ter­mine sur une note grave et des ques­tions, comme si le regard que Guillaume Gué­raud jetait der­rière lui était sans certitudes.

Autres titres de Guillaume Gué­raud chro­ni­qués sur lelittraire.com :
Ras­pou­tine
Ca va val­ser
Je ne mour­rai pas gibier et La bri­gade de l’œil

patri­cia chatel

Guillaume Gué­raud, Sans la télé, coll.“DoAdo”, Rouergue, sep­tembre 2010, 112 p. — 9,50 €
À par­tir de 13 ans.

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