Louise Soral, sur l’insistance de ses petites-filles et de ses filles, se décide à raconter l’histoire de sa famille depuis qu’Augustin Maubusson, son arrière-grand-père, s’est installé en 1805 dans une plantation sucrière en Louisiane.
Mais, elle la dicte à Hazel, sa dame de compagnie.
Ce second tome s’appuie essentiellement sur le personnage de Joséphine, la fille des fondateurs de la plantation. Augustin est mort tragiquement et Laurette, son épouse, sombre dans le déni. Mais elle a demandé à Antoine, son fils, parti en France, de revenir pour gérer la plantation.
Joséphine est très proche de Marie Laveau, une prêtresse vaudou. Elle épouse Georges, un jeune Français venu développer le commerce du vin à la Nouvelle-Orléans.
Antoine, sous le prétexte de mener les affaires commerciales, s’est installé à la Nouvelle-Orléans où il mène une vie de débauche.
Après la cérémonie du mariage, l’ambiance est troublée par l’attitude d’Antoine, pris de boisson, qui veut abuser d’une esclave. Sa sœur intervient, ainsi que Georges. Antoine menace celui-ci en évoquant ses penchants si particuliers.
Si Georges se montre prévenant, il est très vite pris par ses activités et de plus en plus absent. C’est ainsi, qu’à l’hiver 1823, Joséphine accouche, avec l’aide de Marie, d’un garçon qu’elle appelle Jean.
Elle reste seule à gérer la plantation. Les années passent, Jean grandit, est amoureux de Caliste, une esclave. Joséphine se désespère, pensant que cela ne s’arrêtera jamais…
Garder la couleur du sang est une préoccupation capitale de ces propriétaires qui n’acceptaient pas de mariages entre Blancs et Noires. Il fallait conserver une certaine lignée. Ceci n’empêchait pas les planteurs d’abuser des esclaves, de leur faire des enfants.
Cette saga familiale, en trois tomes, donne l’occasion de revivre l’histoire de ces exploitations, de ceux qui y travaillaient. Mais, c’est surtout l’existence de ces femmes qui, bien que n’ayant civilement aucun droits, avaient la volonté de gérer et faire prospérer ces plantations, ces domaines.
D’ailleurs, cette trilogie est un hymne à la femme, à la force dont celle-ci sait faire preuve, présentant la gente masculine sous son côté le plus sombre, gouvernée par le désir sexuel et l’alcool.
Léa Chrétien a eu l’idée de raconter cette histoire lors d’un voyage dans le sud des États-Unis. Elle a recueilli des témoignages, réuni une documentation conséquente. Elle mêle réalité historique et vie quotidienne dans ces plantations, les rapports entre les castes dirigeantes, les liens qui unissaient tous ceux qui œuvraient.
Elle dresse, ainsi, de magnifiques figures féminines, ces héroïnes qui ont dû faire face à nombre de difficultés, affronter de terribles dilemmes et opter pour des choix douloureux.
Autour de Joséphine, dont la scénariste donne un portrait étudié en profondeur, s’agite une belle galerie de protagonistes sur une génération.
Le dessin réaliste est l’œuvre de Gontran Toussaint qui, d’un trait assuré, donne vie à des personnages de toute beauté, tant féminins que masculins. Il réalise des décors travaillés, enrichissant ses vignettes de multiples détails. Ainsi, peu d’entre elles ont un simple fond uni.
On doit la mise en couleurs à Léa Chrétien qui, alternant, selon les lieux, des teintes chaudes ou froides, restitue avec brio les atmosphères de ces microcosmes.
Une saga remarquable, aux personnages bien campés, servie par un graphisme réussi.
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serge perraud
Léa Chrétien (scénario et couleur) & Gontran Toussaint (dessin), Louisiana, la couleur du sang — épisode 2, Dargaud, janvier 2021, 56 p. – 14,50 €.