Avoir en main le temps qui s’évade
Pour Tozzi, il suffit de regarder le ciel couché sur le dos d’une barque renversée pour aligner des phrases.
Encore faut-il savoir les écrire comme le poète dans une langue fluide où se mêle l’eau de l’âme et tout ce qu’elle retient du microcosme au macrocosme.
“Me rapprochant de moi-même, je suis venu de très loin ; sans jamais me toucher.” écrit le poète dans son livre. Il semble se construire en avançant, là où tout devient imprévu mais nécessaire.
Ce qui est notable est retenu en des formes où le proche et le lointain se mêlent et où des spasmes roulent.
De celle qui est le sujet du traité De l’âme d’Aristote, le poète italien libère ses amarres pour que cette âme épouse tout ce qu’elle voit, ressent ou spécule dans les relations entre le le moi, l’humain, la nature le réel pour inventer une constellation inédite pour que le corps sans sésame mais en âme se descelle sans néanmoins jamais atteindre un jardin de palmes.
Si bien que même à l’infini le poète semble soumis. Il règne sur les époques en héritier des psychés de l’antiquité et de ce qui les a remplacées. Existe une force qui va contre l’angoisse et la dépression d’un Nietzschéen en joie et qui accepte l’incomplétude des êtres dont le bégaiement est au fond un savoir.
L’âme n’est plus ici une entité : elle est une machine en acte portée sur ce qui arrive et ce qui se passe. Le tout entre tensions et répits.
Existe là une puissance de feu propre à une conquête intérieure et extérieure là où, sans doute, l’auteur fait forcément l’expérience d’une solitude certaine pour avoir en main le temps qui s’évade.
jean-paul gavard-perret
Federigo Tozzi, Barques renversées, traduction de l’italien & postface de Philippe Di Meo, éditions La Barque, 2020, 91 p. — 18,00 €.