Marianne Alphant, César et toi

Vider les étangs d’ombre pour voir la lumière au fond

Fidèle à une écri­ture de l’intime, Marianne Alphant se refuse pour autant aux plai­san­te­ries dou­teuses de l’autofiction.
Elle oriente à nou­veau son tra­vail vers  l’histoire et remonte avec liberté  le passé.

Des ses sil­houettes volon­tai­re­ment mal équar­ries imposent leur pré­gnance au sein d’un uni­vers fan­tasque et fan­tas­ma­go­rique mais tout autant sérieux et argu­menté de piliers cultu­rels.
César règne en empe­reur qu’il fut et ce, pour nous faire décou­vrir notre défaite, notre fai­blesse. Bref, qui nous fûmes de manière légen­dée  - ou non — et ce que nous sommes.

César ne fit de nos ancêtres qu’une bou­chée mais il offrit en consé­quence les racines de notre civi­li­sa­tion. La nar­ra­trice reprend cette his­toire bien fran­çaises et les pon­cifs qui nous collent à la peau depuis deux mil­lé­naires :  pusil­la­nimes, gueu­lards, hâbleurs, par­fois cou­ra­geux ou plu­tôt batailleurs.
D’où ce retour aux sources d’une auteure aven­tu­reuse. Elle  déblaie  les dépôts  qui, lais­sés au fil du temps, ont recou­vert notre origine.

Une nou­velle fois, l’auteure s’intéresse à “ces choses-là” qui constellent son uni­vers lit­té­raire. Ne se mou­chant pas du pied, son héroïne se fond d’un aveu : « Je suis César recueillant ces restes comme d’autres l’ont fait : arpen­tant la terre, reli­sant La Guerre des Gaules, croi­sant ici Napo­léon III, plus loin Sha­kes­peare ou Guillaume II, Sué­tone, un révol­ver, des che­vaux qui pleurent, Ber­na­dette Sou­bi­rous, un ama­teur de geo­coa­ching. » L’éventail est donc large et les sur­vi­vances débordent sur d’autres guerres et jusqu’au “bel” aujourd’hui.

Marianne Alphand ose s’amuser de la vieillesse de notre monde et du poids de l’histoire. Son héroïne; sous un cer­tain pen­sum cultu­rel, reste mal­gré tout pri­me­sau­tière et voit le monde par le petit bout de sa lor­gnette. Pour autant, elle n’est en rien vic­time de myo­pie.
Et à sa manière  de suivre César et Ver­cin­gé­to­rix pro­pose un sub­til jeu du chat et de la sou­ris qui tra­verse le temps.

Frivole et sérieuse, allu­mée et lucide cette fic­tion spé­cu­la­tive décape le regard de bien des illu­sions d’optiques et d’origine.
L’ornemental est rem­placé par le ves­tige à tra­vers une explo­ra­tion  fan­tasque sans que le sérieux lui cède trop de part.

A ce titre, l’auteure se situe  plus du côté de Casa­nova que d’un Robes­pierre. Au tra­gique elle pré­fère les bac­cha­nales.
Et, au-delà des ména­ge­ries de verres récep­tacles des restes du passé, l’imaginaire et les caprices de Marianne gardent ici toute leur place.

jean-paul gavard-perret

Marianne Alphant, César et toi, P.O.L, Paris, 2021, 336 p. — 18,00 €.
A paraître début janvier.

 

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