Pascal Quignard, L’homme aux trois lettres

Ecrire le silence de l’être

Pour le onzième tome de son cycle majeur “Le Der­nier royaume”, Pas­cal Qui­gnard remonte une nou­velle fois à l’origine de la lit­té­ra­ture. Elle reste une sorte de trou noir dont on ignore tout.
Et c’est bien ce qui ravit l’auteur fas­ciné par ce lieu d’origine où tout se pour­suit du côté de l’énigme et dont les mots (dont nous res­tons pour Qui­gnard les voleurs) tentent de récu­pé­rer la part du manque pour une reconstruction.

L’auteur écrit “les yeux fer­més” puisqu’ils ignorent le geste de la main au moment où comme “une barque elle pénètre dans l’ombre”. Ce qui ruis­selle rentre dans le lan­gage par les portes du désir. Chaque page de son livre l’ouvre.
S’y retournent, s’y perdent, s’y cherchent les indices de la lettre à déchif­frer “dans les lieux aux mille ronces” là où le mar­cheur acquiert des “pieds aux sabots de cerf”.

L’écri­ture reste pour Qui­gnard méta­phore et muta­tion qu’il cultive dans une sorte d’ascèse du vivant là où tout est dépouillé. “L’homme aux trois lettres” s’enfonce dans le silence de son rêve au cours de son voyages au sein des mots et leurs grottes obs­cures.
Ils per­mettent de voir mieux la voûte du ciel.

Et si un tel moine de l’écriture se dérobe à la parole, c’est pour mieux écrire le silence de l’être. Il sait que les mots “nés des autres” font de nous des témoins illé­gi­times mais créent chez le lec­teur comme l’auteur angoisse et plai­sir là où l’identité est tou­jours en muta­tion pour le per­son­nage du livre.
Celui-là s’émiette un temps en la com­pa­gnie de l’angoisse et de la dépres­sion. Face à elle, il s’agit de tenir.

La lit­té­ra­ture est une des rares alter­na­tives cré­dibles lorsque le stylo, dans la main qui se ferme sur lui, devient coup de poing.

lire un extrait

jean-paul gavard-perret

Pas­cal Qui­gnard, L’homme aux trois lettres, Gras­set, 2020, 192 p. — 18,00 €.

1 Comment

Filed under Chapeau bas

One Response to Pascal Quignard, L’homme aux trois lettres

  1. Villeneuve

    Plé­thore d’allitérations ( Je , J , J puis livre , lire etc . ) qui rythment une orai­son dépres­sive dont Artaud fut le maître incon­testé avant Qui­gnard trop hagard .

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>