Jacques Demarcq, La vie volatile

Marcher au pla­fond du ciel

Le livre de Jacques Demarcq est à sa manière un “road movie” qui dépote. Nous sommes trans­por­tés via les airs dans une grande pro­duc­tion qui tient moins du film pure­ment natu­ra­liste que du bes­tiaire et de l’art.
Pas ques­tion de s’y retrou­ver plom­bés. Car voici notre auteur sai­sit de fra­grances plus ou moins amou­reuses pour les vola­tiles — comme il le fit déjà avec son pre­mier tome : Les Zoo­zios (2008).

Ce livre ne se quitte pas. Et tout le savoir orni­tho­lo­gique et artis­tique de l’auteur fait souf­fler le plus grand air.
Nous n’avons plus du tout envie de ren­trer chez nous. Les ani­maux sont en fête, les oiseaux cha­touillent les oreilles. Mais pas que.

Libre, le poète reste atta­ché à la beauté du monde. Ses poèmes n’ont pas à le chan­ter. L’objectif est de ratis­ser les stucs en stocks qui la cachent.
Créer pour Demarcq n’est pas thé­ma­ti­ser, c’est for­mer une matière dont la struc­ture échappe, est en deve­nir inces­sant. Ses oeuvres n’ont rien à prou­ver qu’elles-mêmes.

Le centre de la créa­tion reste sa “matière” : les oiseaux et ani­maux divers. Le reste n’est qu’anecdote. Par ailleurs? l’auteur ne toté­mise pas son lan­gage.
Dès lors, entre thé­ma­ti­sa­tion et toté­mi­sa­tion demeure cette créa­tion où il n’existe pas d’angle mort mais une force qui va dans l’obscur et qui peut faire sourdre sou­dain une vision du monde et de l’être.

Demarcq s’éprouve et éprouve le monde à l’épreuve d’oeuvres et d’oiseaux et d’une langue qui se découvre en avan­çant à tra­vers des conti­nents qui ne sont plus en dérive. La vie se relève et se relève sous de vastes pay­sages et des toiles de maîtres.
Une sorte de délire ver­bal se met à tour­ner là où les oiseaux, à force de nous cares­ser de regard et d’en haut, nous entraînent dans une ronde et dans un tour­nis insensés.

Nous sommes man­gés par le monde natu­rel loin des grandes dépres­sions. Et le livre res­semble à une renais­sance.
La noce pro­fonde des vola­tiles nous fait échap­per à la mort par la grâce de de l’amour quasi “divin” que l’auteur porte aux oiseaux. Et c’est la meilleure dans la façon de se libé­rer de l’immonde.

L’enfer que l’on nous pro­met s’éloigne Nous avons même l’impression de mar­cher au pla­fond du ciel.
Cha­cun danse et res­pire loin des gra­vats et de ce que la vie peut pro­duire comme déchets.

jean-paul gavard-perret

Jacques Demarcq, La vie vola­tile, Edi­tion Nous, 2020, 397 p. — 30,00€.

Leave a Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Chapeau bas, Poésie

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>