Regarder la peinture à partir du langage poétique
Avec comme mot d’ordre « Peinture comme poésie », ce livre présente près de 50 textes de Christian Prigent écrits entre 1974 et aujourd’hui.
Issus de diverses revues (et en particulier dans TXT expérimental et antisocial dernier fleuron de l’avant-garde) et répartis en plusieurs sections.
Se retrouvent des analyses pertinentes au sujet de Supports/Surfaces (Dezeuze, Viallat, Arnal, Boutibonnes…), comme des phénomènes de la peinture ancienne revus par un esprit intelligent et créatif (anamorphoses, motifs non figuratifs du Livre de Kells…).
Se découvre aussi la présence de grands peintres du XXème (Twombly, Bacon, Hantaï…) et ceux — amis de l’auteur — de notre temps (Pierre Buraglio, Mathias Pérez). Le tout est complété par l’approche d’autres disciplines artistiques à l’origine de mêmes questionnements : la gravure, l’image pornographique, la photographie.
Et il n’est pas anodin que la première question de l’entretien disposée par Christian Prigent en préambule de ses écrits sur la peinture soit la suivante : « Qu’appelez-vous “poésie” ? »
Lui-même n’en cache pas la raison : « Je ne suis pas un critique d’art. Je regarde la peinture à partir de ce qui m’obsède : le langage poétique. C’est peut-être une façon de ne pas voir comme il faudrait. Mais c’est une façon de voir. Il y a des précédents. »
Loin cependant d’accumuler des analyses disparates, le livre les enserre dans une armature. Ce qui les apparente reste ce qui fonde aux yeux de l’auteur l’identité de la poésie et de la peinture : à savoir ce qu’il nomme un “désarroi” dans la représentation, quelle qu’en soit la nature.
Elle met en crise et en action la volonté de faire ou d’écrire : “Je crois que ce qui fait écrire, c’est la conscience à la fois douloureuse et jouissive de cette “différence” entre la polyphonie inaraisonnable de l’expérience et le monologue positivé et médiatisé.”
Preuve que ces essais ne sont pas des marginagliae à l’oeuvre mais la révèlent dans son complexité critique.
jean-paul gavard-perret
Christian Prigent, La peinture me regarde, L’atelier contemporain, Strasbourg, 2020, 496 p. — 25,00 €.