Adèle Van Reeth explore dans un face à face l’ordinaire et ce qui s’en échappe à travers — entre autres mais pas seulement — l’expérience de la maternité qui est elle-même une sorte de confinement avant que succèdent l’émotion et l’explosion de la naissance et sa délivrance.
Le familier, l’ordinaire sont enfin analysés : peu de philosophes jusque là s’en étaient emparés. C’est pourquoi l’auteure les investit afin de les mettre en ordre (en écho à la racine du second terme “ordinare”).
Elle montre que la partie morne de la vie de tous les jours se découpe entre quotidien et ordinaire. Le premier peut se changer, l’autre non “car il colle à la peau” et ne s’arrête jamais — parfois jusqu’à la nausée.
Le quotidien est pour Adèle Van Reeth rassurant. Elle le raconte à travers le “je” de la narratrice de cet essai qui est bien sûr le miroir incarné de l’auteure. Cet exercice nous met en face de l’âpreté du réel afin que nous le regardions “les yeux grands ouverts”.
Ce travail philosophique ne se veut pas une aide à vivre mais un approfondissement du vécu.
L’auteure y poursuit sa compréhension de l’existence. Et les mots choisis deviennent ceux de la catégorisation qui rend le monde pensable tout en soulignant combien il est étouffant.
Les gestes répétitifs et qui font sens créent parfois ce qui, pour chacun, “coûte” et qu’il convient en conséquence de réviser.
Si bien que, pour l’auteure, la vie ne se réduit pas au quotidien. Car “la vie ordinaire”- ce “danger pour soi-même”- est plus complexe qu’il ne paraît. Et pour le comprendre, la productrice des “Chemins de la philosophie” (sur France Culture) choisi des exemples ou modèles.
Entre autres Stanley Cavell qui a compris le rôle des comédies dans les rapports à l’ordinaire comme Thoreau. Avec son Walden il chercha une autre “écologie” du quotidien pour le penser.
La philosophe appelle donc à une transformation de l’ordinaire hors résignation par ce qu’elle nomme des “remariages” (au sens large). Ceux-là redéfinissent nos poncifs pour faire la part de “nos” choses — du moins telles que nous les considérons.
Parfois de manière trop cavalière.
jean-paul gavard-perret
Adèle Van Reeth, La vie ordinaire, Gallimard, Paris, juin 2020 — 16,00 €.