Abandonner l’amour au pouvoir
Carol Gilligan et Naomi Snider portent un regard original sur le patriarcat. Pour elles — et dans un texte écrit à la première personne — se prouve la persistance d’un tel ordre inégalitaire.
L’analyse s’ouvre à une dimension psychologique qui double avec pertinence la grille de lecture purement politique classique.
Le patriarcat demeure vivant non seulement parce qu’il est dans l’intérêt des hommes de ne pas en sortir mais parce qu’il existe une résistance ou une sorte d’autopréservation des femmes qui abandonnent l’amour au pouvoir, “la” relation pour “leurs” relations dans un unionisme qui les mitraille implicitement.
Cette approche rejoint l’éthique du “Care” dont Carol Gilligan fut une pionnière. La philosophe qui a enseigné à Harvard, Cambridge et à la New York University reste ici une figure du féminisme.
Plus connue que sa jeune consoeur, l’édition française oublie en couverture d’en signaler la présence…
Au moment d’un côté de la chute d’Harvey Weinstein, et, de l’autre, de l’élection de Donald Trump, il s’agit donc de comprendre ce paradoxe : quand semble s’effondrer un système patriarcal, un homme résolument modèle d’un tel processus accède à la Maison Blanche.
Par-delà l’analyse habituelle développée entre autres avec Ivan Jablonka dans Des Hommes Justes, les deux auteures établissent que seule l’éthique du Care est une “morale” démocratique par une attention aux vulnérables, aux faibles et minorités.
Mais le livre ne prouve en rien comment cette possibilité peut se concrétiser. Et c’est bien sa limite.
La question de la liberté des oppressés reste sans réponse.
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jean-paul gavard-perret