Le Silence de la mer

Le pre­mier long-métrage du maître res­tauré avec des bonus très instructifs

Le pre­mier long-métrage de Jean-Pierre Mel­ville n’avait jamais été édité en DVD et il était devenu introu­vable en vidéo depuis de longues années. C’est donc une excel­lente ini­tia­tive qu’ont eue les édi­tions Gau­mont, d’autant plus pré­cieuse que le film a été res­tauré pour l’occasion. En com­pa­rant cette ver­sion DVD à la cas­sette vidéo, on remarque une qua­lité de l’image (contraste, nuances) incom­pa­ra­ble­ment meilleure, ce qui est par­ti­cu­liè­re­ment appré­ciable dans le cas d’un film où l’esthétique de l’image joue un rôle essen­tiel.
Le Silence de la mer, adap­ta­tion du célèbre romanemblé­ma­tique sur la résis­tance de Ver­cors, donne au jeune réa­li­sa­teur qu’est Mel­ville en 1947–49 (la période de tour­nage et de mon­tage du film) la pos­si­bi­lité de frap­per d’emblée la cri­tique et le public avec un film tiré d’une œuvre consi­dé­rée comme non-adaptable, y com­pris par son auteur.

Le sujet même du roman est anti-cinématographique : un offi­cier alle­mand, ins­tallé dans une famille fran­çaise, qui parle à ses deux hôtes, un oncle et sa nièce, fer­me­ment déci­dés à ne jamais lui dire un mot. Leur silence est censé concré­ti­ser leur résis­tance à l’occupant ; cepen­dant, tout en res­tant muets, ils ne réagissent pas moins inté­rieu­re­ment aux pro­pos de l’officier, et leurs réac­tions ne sont pas tou­jours conformes au parti pris d’hostilité qu’ils ont choisi d’avance. La réus­site du cinéaste est double : non seule­ment sa ver­sion du Silence de la mer a un impact aussi, voire plus, fort que le roman sur le spec­ta­teur, mais elle pro­duit éga­le­ment l’effet d’une vraie créa­tion artis­tique, émi­nem­ment ori­gi­nale. De fait, Mel­ville a su, tout en res­tant rela­ti­ve­ment fidèle au texte de Ver­cors, mettre en place une esthé­tique très per­son­nelle et un dis­cours psy­cho­lo­gique beau­coup plus com­plexe que celui de l’écrivain.

Sur ce sujet, à pro­pos de la genèse du film et sur le tra­vail de Mel­ville en géné­ral, le docu­men­taire placé en sup­plé­ment du DVD four­nit des ren­sei­gne­ments et des com­men­taires très inté­res­sants. Les par­ti­ci­pants sont pour la plu­part d’anciens col­la­bo­ra­teurs ou des amis de Mel­ville (Nicole Sté­phane, Rui Noguera, Vol­ker Schlön­dorff, Pierre Lhomme,…). Le com­men­taire cri­tique est assuré par Denitza Bant­cheva, l’auteur de la mono­gra­phie de réfé­rence sur Mel­ville (Jean-Pierre Mel­ville : de l’œuvre à l’homme, paru aux Edi­tions du Revif), qui livre des expli­ca­tions à la fois éru­dites et faciles à suivre.

agathe de lastyns

Jean-Pierre Mel­ville, Le Silence de la mer Gau­mont, mars 2010, 20,00 €

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