Au nom de Satan le sauveur des hideux, des bouffis, des hystériques
En guerre avec la modernité et la démocratie (sauf dans ses premières oeuvres où il semble un futuriste avant la lettre), J-K Huysmans, frileux comme un chat, prôna la solitude, le célibat et resta en colère — et c’est peut dire — contre les ravalements haussmaniens. Il ressent le neuf comme une coupure avec le passé et reste intéressé par les strates du vieux Paris dans une oeuvre autobiographique.
En celui qui se veut reclus et esthète, Claude Louis-Combet reconnaît — paradoxalement en apparence — “le seul auteur dont je pourrais me réclamer s’il me fallait répondre à une question qui porterait sur le lien établi, dès le début et à la longue, entre l’écriture et l’existence.”
Célibataire non endurci (il vivra 20 ans avec Anna Meunier), l’auteur est une figure ambiguë comme ses personnages dans A Rebours avec ses névrosés et les “femmes bouledogues” contaminées par la grande vérole à savoir la syphilis. Et Louis-Combet se trouve proche du naturaliste, satanique (avant sa conversion) chez qui il ne faut pas chercher de narration classique mais une dilatation des corps souffrants.
L’auteur sulfureux de la fin du XIXème siècle qui accumule des aventures sexuelles dont le degré d’investissement reste douteux ne pouvait que séduire Louis-Combet.
A cause sans doute des fantasmes d’un vivant plus que sa vie elle-même et ce, au nom de Satan le sauveur des hideux, des bouffis, des hystériques. Mais un tel luciférisme Louis-Combet le fait sien. Il y découvre un extrémisme et des interdits défoncés qui ne seraient sans doute plus publiables aujourd’hui.
Notre contemporain reste pris dans le mouvement d’esprit profondément négatif assailli de pensées obscènes d’un tel auteur.
Et nous retrouvons ici l’essentiel de l’oeuvre de notre maître en drôleries parfois presque insupportables mais délictueuses et délicieuses à souhait.
jean-paul gavard-perret
Claude Louis-Combet, Huysmans au coin de ma fenêtre, dessins de Roland Sénéca, Fata Morgana, 112 p. — 18,00 €.