Jean-Paul Michel, Placer l’être en face de lui-même

Jean-Paul Michel : le poète et sa “bête”

Poète (sous le nom de plume de Jean-Michel Miche­lena) fon­da­teur des édi­tions William Blake & Co. (en hom­mage au grand poète roman­tique anglais qui aurait créé le seul art total de l’histoire de la culture), Jean-Paul Michel fait de l’acte d’imprimer un tra­vail qui se confond avec celui d’écrire.
De plus, ces deux mou­ve­ments ne sont jamais loin pour lui du  “fait de des­si­ner, peindre, gra­ver, lever des pierres, bornes, monuments”.

Les arts visuels ont donc tou­ché très tôt sa rêve­rie et sa réflexion comme son tra­vail d’éditeur. Il a publié Yeats, Hop­kins, John Mon­tague, Höl­der­lin, et aussi Dante. Et dans son livre d’essais La Vérité jusqu’à la faute il dit sa proxi­mité avec Pas­cal et Georges Bataille comme avec Kier­ke­gaard et Dos­toïevski mais aussi Héra­clite, Homère, Sha­kes­peare, Spi­noza ‚Bau­de­laire, Rim­baud, Mal­larmé, bref tous ceux qui évitent de se et de nous perdre en la vacuité de simples jéré­miades.
Le Bor­de­lais ne se réclame que d’une seule école. Celle des “exta­tiques ner­veux — ces hyper-actifs d’un genre spé­cial” qui reven­diquent une sorte de joie convul­sive et qui optent pour la liberté, la vigueur, la recherche d’une forme de perfection.

Le révolté —  en par­fait Giron­din — pour­suit sa route loin des cénacles ger­ma­no­pra­tins. Il reste animé par une mys­tique des liber­tés qui écla­tait déjà dans le pre­mier livre de “William Blake and Co.” : Du Dépe­çage comme de l’un des Beaux-Arts (1976). Proche de Sol­lers, Denis Roche et Pley­net, il s’en éloigne au moment de la période chi­noise, maoïste et inepte de “Tel Quel”.
Il prend comme doxa chère à Bau­de­laire : “en toute chose humaine, l’art est le pre­mier et le der­nier mot.” Si bien que Pour Jean-Paul Michel la poé­sie n’a pas à accueillir l’ordre ou l’ordure. Elle a même pour prin­cipe de leur échap­per avec une conscience aiguë de la néces­sité et de l’urgence d’une double pos­tu­la­tion : “dire du mal de moi” et faire mal aux mots des tri­bus pour les affron­ter et, par-delà, retrou­ver une confiance nou­velle dans la parole  donnée.

Et ce, avec force et éclat. Les mots doivent deve­nir pro­por­tion­nels à la gra­vité du mal. Par la poé­sie, l’auteur avance en écho aux visions de Goya, des Fauves, du cubisme et de Gia­co­metti. Le réel étant un Chaos, le poème doit pos­tu­ler une réponse. Et Michel, de décou­vertes en décou­vertes, de publi­ca­tions en édi­tions renou­velle une poé­sie deve­nue fluette.
D’où — et entre autres —  sa défense de Jehan Mayoux, un des très grands mais des plus mécon­nus poètes sur­réa­listes et révol­tés. L’éditeur et poète, comme lui, élu­cide les énigmes du poème en patau­geant à cloche-pied dans le néant mais en ne cédant pas un cen­ti­mètre de ses mul­tiples “splash” à ce qui est néces­saire : un art du dépe­çage nar­quois. Et bien plus que cela.

jean-paul gavard-perret

Jean-Paul Michel, Pla­cer l’être en face de lui-même, William Blake & Co., Bor­deaux, 2020.

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