De Dauphine d’Haese on ne sait rien. Ou presque. Sinon qu’elle fut l’épouse de l’artiste Reinhoud. Elle partagea la solitude de cet irrégulier de l’art aussi belge que génial. Après une formation chez un orfèvre puis à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et aux Arts Décoratifs de Bruxelles, il se lança dans la sculpture. Membre du groupe Cobra, il fit la connaissance entre autres de Christian Dotremont, Hugo Claus, Raoul Ubac et surtout Pierre Pierre Alechinsky.
En dehors de cet élément biographique au sujet de son épouse, d’elle nous connaissons un seul livre : Le dîner en ville. A partir des “monstres” de son mari, elle a écrit et créé une pièce superbement baroque dans l’esprit ou la mouvance de Ghelderode, Picabia et du surréalisme belge.
752 titres de sculptures présentées par son mari dans le monde entier entrent en réaction les unes avec les autres et constituent les répliques où se retrouve par exemple “Portez moi comme votre idéal” de “l’inventeur de visières”..
L’effet est merveilleux. Les titres sont aussi drôles que sont goguenardes les figurations qui remontent — via Cobra — vers Brueghel, Bosch et les légendes médiévales. Il y a là une “histoire” propre moins à faire la grasse matinée qu’à ranimer le feu dans un poêle de faïence belge.
Le montage crée un monde surprenant et transforme ce texte en ovni : il n’a pas connu jusque là sa juste place. Fata Morgana devrait songer à le republier.
jean-paul gavard-perret
Dauphine d’Haese, Le dîner en ville, Gravures de Reinhoud, Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 1998.