Henri Michaux, Saisir

Quit­ter l’ici pour l’ailleurs

“Qui n’a voulu un jour faire un abé­cé­daire, un bes­tiaire, et même tout un voca­bu­laire, d’où le ver­bal entiè­re­ment serait exclu ?” écrit Michaux dans ce livre. Artaud et ses glos­so­la­lies l’abordèrent, les spa­tia­listes avec Ilse et Pierre Gar­nier aussi.
Mais l’auteur de Plume cherche à sa manière une langue faite de lanières et de cir­con­vo­lu­tions pour que com­mence le feu. Un feu tissé: il sort des entrailles du verbe, fussent-elles de miel de sucre ou de bles­sures.

Michaux explore  un lan­gage “tordu comme des nuages dans l’eau lim­pide avec à côté la lumière qui trace une règle et des cils” comme disait Artaud.
Mais, contrai­re­ment à lui, il ne veut pas le faire jaillir “à coup de langues et de cuisses” mais par la main qui appelle le mou­ve­ment en ses élans et suspensions.

Explo­rant le geste et ce qu’il pro­duit, le poète et artiste ana­lyse com­ment se crée un babil qui fait flot­ter la langue. Michaux évoque un bouillon­ne­ment sourd. Celui qui aurait rai­son de son propre empê­che­ment. Et ce, pour une trans­fi­gu­ra­tion capable de faire resur­gir un souffle afin d’ouvrir à une joie d’être enfin libre.
C’est en quelque sorte quit­ter l’ici pour l’ailleurs, fondre et se libé­rer, là où danse la langue qui  per­met  à ses ver­rous de sau­ter. Par delà l’arthrose des mots et des rouages syn­taxiques, une telle écri­ture désen­clave la lan­gage en divers mou­ve­ments phy­siques. Ils brisent cer­taines liai­sons de l’être. Celles qui lui ser­vaient jusque là à com­mu­ni­quer de manière servile.

Pour s’ouvrir “aux êtres du monde qui se voit”, Michaux veut écor­cher la langue par jaillis­se­ments, explo­sions, implo­sions. Ils déchirent la linéa­rité du dis­cours comme les “trai­tés du style” chers à Ara­gon. Pas ques­tion pour celui-là (Coro­na­vi­rus aidant) de se conten­ter de se laver les mains mais de trou­ver des scan­sions nou­velles.
Il s’agit de se lais­ser enva­hir par ce flux de pul­sions. Elles conjuguent toutes les formes de colère, de haine et de révolte.

Le poète doit  se lais­ser prendre à la tré­pi­da­tion qui confronte à une autre lisi­bi­lité et une autre car­to­gra­phie du réel.

jean-paul gavard-perret

Henri Michaux, Sai­sir (nou­velle édi­tion), Edi­tions Fata Mor­gana, Font­froide le Haut, 2020, 112 p.

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