Sortis des carnets où ils ont mûri, les poèmes repris et corrigés de Guy Goffette remonte le temps. L’auteur, au besoin, soigne “celui-ci à qui manquait un pied ou cet autre qui manquait d’oreille” dans un travail de nostalgie et d’émerveillement.. Craignant de pécher par orgueil, le poète belge traite ses textes sans complaisance — manière d’éliminer en lui le singe savant.
A travers ses différents thèmes, l’œuvre du poète belge s’assombrit même si l’ironie veille en bonne conseillère.
Plus question de s’éparpiller ou de rentrer dans sa coquille au moment où il s’agit d’en faire sortir ce qui y couvait à l’épreuve du temps avant de rejoindre le “là-bas” où les mots ne se traceront que dans la poussière. Ce temps n’est pas venu.
Et ce que l’auteur trouva “raté” et qui dormait dans ses carnets se régénère.
Goffette reste un indépendant que, souvent, les clans littéraires et leurs complaisants laudateurs ont biffé de leur tablette, mais il n’en a cure. Il préfère vendre son âme à la seule luxure de ses nuits et passer son temps à ramasser les sourires que les gens avaient laissés tomber. Pour le commun des prétendus immortels, c’est peu.
Mais pour l’adepte des détours, pour le passager clandestin du monde, il n’existe pas de plus belle ligne de conduite.
Son livre le prouve. Le “je” ne tue que l’ “il” de l’indifférence et du neutre dont tant d’hommes se contentent.
jean-paul gavard-perret
Guy Goffette, Pain perdu, Gallimard, coll. Blanche, Paris, 2020 — 18,00 €.