Auteur de plusieurs essais dont Reductio ad Hitlerum et Lost Ego, (PUF, 2014 et 2018), François De Smet offre une réfutation des religions qui mériterait peut-être mieux que cette démonstration. Même si chacun sait que leur discussion ne souffre pas forcément les arguments inhérents à la raison.
De Smet aborde le problème par un canular qui fait long feu. Celui du “pastafarisme” ( mixage de pasta et rastafarisme). Tout commença il y a 15 ans aux USA où un étudiant de l’Oregon — reprenant une posture post-dadaïste — inventa la religion du “Culte du Monstre en Spaghettis volant”. Pour ce nouvel apôtre, le créateur de l’Univers serait un amas de pâtes truffé de boulettes de viande. Il a bâti le monde après avoir forcé une petite semaine sur la bière. D’où l’aspect très douteux du monde qui nous a été offert.
Beckett avait déjà souligné la différence notable qu’il existait entre un bon tailleur de pantalon et le créateur approximatif de l’univers. Mais François De Smet part de ce phénomène pataphysique ou plutôt pastaphysique pour engager un travail de fond sur les croyances dans nos sociétés contemporaines qui — à l’heure des fake news et plus que jamais — sont prêtes à tout gober.
En témoigne le succès de la déité spaghetto qui se retrouve désormais reconnue dans certains pays… Existent même des mariages célébrés sous l’égide et la sauce d’un tel dieu dont les réseaux sociaux se font parfois l’écho. Quant aux législateurs, ils ont du mal à déligitimer une religion fût-elle extravagante sinon à déglinguer logiquement toutes les autres.
Par ailleurs, cette nouvelle croyance est le symptôme d’un monde qui est prêt à avaler tout retour au sacré même sous forme du gag au blé dur. Certes, on peut retourner le problème et affirmer qu’une telle religion molle est le meilleur moyen de lutter contre les croyances plus dures. Il reste impossible d’insister sur l’invraisemblance d’un tel dogme.
Toutes les religions “établies” reposent à l’origine sur des fables habilement manipulées. De Smet prouve que la farce Barilla devient le plat de résistance de révélations d’événements qui n’ont souvent jamais existé ou ont été retransmis de manière à les fictionner pour des raisons politiques. Leurs prétextes restent le salut de ceux qui sont ainsi rassurés, réunis et soumis..
L’histoire du sabre et du goupillon est vieille comme le monde. La“pasta” s’ajoute pour transformer cette dualité en trilogie. C’est une manière de contrer bien des cynismes et des hypocrisies.
L’essayiste disqualifie ce qu’on peut considérer comme des délires. Est-ce suffisant ?
Pas sûr sans doute, mais c’est néanmoins une manière de montrer comment — sans violence et avec un prosélytisme dégingandé — une idéologie dadaïste peut représenter un contre-pouvoir.
Avant qu’elle ne soit récupérée par de nouveaux gourous et tireurs de ficelle. Le diable traîne souvent dans les détails pour se grimer en dieu.
jean-paul gavard-perret
François De Smet, Deus Casino, P.U.F. éditions, Paris, 2020, 236 p. — 18,00 €.