Chronophotographie kaléidoscopique
Silvana Reggiardo s’est rendue dans le quartier d’affaires de Manhattan, au 666 de la 3ème avenue. Elle y a posé son appareil sur un trépied pour enregistrer en six heures plus de 50 000 images.Elle en a sélectionné 8915 réunies dans un album géant dont les pages se déroule comme un film. Un tel kaléidoscope réinvente une temporalité issue des prise de vues.
Il superpose un temps cinématographique au temps réel par le flux incessant des passants devant une colonne en acier, située entre un café et un magasin fast-food. Apparaît une diffraction des rayons lumineux.
Si chaque image a priori ne recèle pas d’intérêt particulier, la structure de l’ensemble crée une double histoire : celle à la fois de Marey, de l’histoire de la photographie et celle de la sensation de vivre l’ici et maintenant de l’animation de la rue de New York. Si bien qu’une telle série fait croiser les expériences de Berenice Abbott et de Paul Graham dans Manhattan et une histoire étrange à la Antonioni.
Se retrouve ici le goût de Silvana Reggiardo à la fois pour les lignes et pour le temps que la prise photographique pérénise. Tout prend appui sur l’instant, au creuset de ses successions de moments non-stop. Ce travail lie l’infime à l’immense, le verre et le béton, liquide tout spectaculaire pour ramener à des valeurs de la contemplation poétique de la ville.
Il s’agit de s’abîmer dans une extase nue en des instants d’acmé qui, pris isolément, n’en sont pas mais qui provoquent dans leur succession ce « temps à l’état pur » dont parlait Proust.
jean-paul gavard-perret
Silvana Reggiardo, NY – 170926, Le Bleu du Ciel – Centre de photographie et d’image contemporaine, 12, rue des fantasques 69001 Lyon, du 5 au 29 février 2020.