Pierre Chopinaud, Enfant de perdition

 Emphases

Pierre Cho­pi­naud — à l’écoute du tumulte du chaos — se veut un gilet jaune de la fic­tion : “J’entendis la pre­mière fois cette cla­meur comme elle mon­tait du peuple fran­çais pre­nant la Bas­tille quand mon père vou­lant que j’apprisse l’histoire me la fit entendre.” Tout dans ce livre est donc écrit au nom de ce re-père .
C’est pour­quoi l’emphase qui emporte le livre n’est pas aussi sin­gu­lière que cer­tains le pré­tendent. Existe dans ces près de 600 pages, de la part de l’auteur, un coté singe savant et lyrique. Trop pour don­ner à cette lit­té­ra­ture le ren­ver­se­ment qu’elle pré­tend. Plus que gilet­jau­niste, le côté macro­nien l’emporte dans cette manière de rame­ner le désuet — extrait d’un caveau­bu­laire — à une ges­ti­cu­la­tion dis­cu­table là ou “l’aiguille, dode­li­nant, faire son bat­tant battre sa robe, et son tin­te­ment, comme Sido­nie allait aller, cou­vrir le rou­lis grin­çant des cha­riots à pro­vi­sion”. C’est de la révo­lu­tion en rose bon­bon et il manque le dimen­sion sau­vage d’un Ramuz.

La splen­deur affi­chée (et réelle) du verbe nuit autant à l’aspect sub­ver­sif du pro­pos qu’à l’évocation d’une sexua­lité dont l’aspect théo­ri­que­ment sadien se perd dans les cir­con­vo­lu­tions ora­toires. C’est de l’attrape-gogo bien monté et lisible assu­ré­ment. Mais à consi­dé­rer qu’il existe là un dépas­se­ment de la fic­tion…
La dic­tion et la mic­tion d’un roman de for­ma­tion et de sor­tie de l’enfance rendent  l’épique moins épique et pique que cole­gram. L’hybridation n’y a rien de joy­cienne et même pas de modia­nesque. C’est un farci en trip­tyque qui feint d’embrasser le monde, les peuples et leurs croyances. Mais cette visi­ta­tion des enfer ne rap­pelle Dante que de très loin même si l’auteur veut sai­sir tous  les temps, leurs fables et  légendes en un amon­cel­le­ment de rap­pels livresques là où, au nom d’« une entité méta­phy­sique qui le har­cèle inté­rieu­re­ment », Cho­pi­naud fait son intéressant.

Il est vrai que — avec la maî­trise par­faite de son écri­ture et de ses effets pétards au sein de varia­tions — tout une faconde et un  savoir-faire sont en place. Ce der­nier est incon­tes­table mais il ne suf­fit pas à pro­vo­quer la ren­ver­se­ment révo­lu­tion­naire impli­ci­te­ment engagé.

jean-paul gavard-perret

Pierre Cho­pi­naud, Enfant de per­di­tion, édi­tions P.O.L, 2020, 572 p. — 24,90 €.

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