C’est sous un nom d’emprunt hispanique et directement en langue espagnole que Gombrowicz écrivit cette suite d’articles sur les moeurs et les rapports entre hommes et femmes d’Argentine. L’auteur y séjourna plus longuement que prévu : quittant sa Pologne suite au pacte soviéto-allemand, il ne devait y rester que quelques semaines. Mais, son pays étant envahi, il y demeura 24 ans.
A travers ces éléments journalistiques et de circonstances, l’auteur crée un bel hommage au pays qui l’accueille. Du moins à la partie masculine de sa population. Selon lui, la jeunesse masculine du pays est accablée d’une mélancolie qui tient moins de la vastitude de la pampa que d’un érotisme entravé.
Ce dernier peine à sortir des atavismes et anachronismes d’une société bourgeoise et catholique qui valorise la virginité et la femme. Cependant, celles qui demeurent les instigatrices d’un tel marasme sont les filles du “Deuxième Sexe”.
Gombrowicz ne leur fait pas de cadeaux. Selon elles, la beauté reste leur seul don et elles en abusent pour phagocyter les mâles. C’est un peu juste comme analyse. Mais c’est un des dadas sur lesquels l’auteur aima chevaucher. Les descendantes d’Eve sont pour lui des charpies et ce qu’il en retire fournira quelques années plus tard bien des éléments pour son livre La Pornographie.
Il est vrai que, eu égard à ses pratiques sexuelles qui lui font fréquenter des prostituées et des jeunes hommes, l’auteur eut tendance à survaloriser les valeurs viriles ou plutôt un modèle de type homosexuel qui semble le remède de sa “morale” pour laquelle les mièvreries féminines sont insupportables. Elles constituent l’antidote à l’excès de vie que l’auteur revendique.
C’est pourquoi il trouve dans les Argentins une âme audacieuse et un sens de l’honneur que leurs femmes ignorent. Il faut dire que l’auteur n’a jamais voulu comprendre les femmes et les expédie à l’état d’ange frelaté qui change l’homme en bête.
Sur ce dernier plan, l’auteur savait de quoi il parlait.
jean-paul gavard-perret
Witold Gombrowicz, Notre drame érotique, traduit de l’espagnol par Anne Plantagenet, Marie-Hélène Méjean & Marie-France Cassel, Stock, coll. La Cosmopolite, 2020, Paris, 110 p. — 14,50 €.