Régis Debray, Le siècle vert

Contre le vert trop vertueux

Pour Debray, l’esprit des lois reste une belle idée afin de mettre à mal le catas­tro­phisme que prêchent les éco­lo­gistes les plus durs. L’auteur veut croire moins en l’homme qu’en une “nais­sante fémi­ni­tude” qui don­ne­rait à l’humanisme ou à l’humanité une puis­sance de trans­for­ma­tion contre notre façon de tuer la vie, afin — et à l’inverse — d’enfin la pro­té­ger.
Tou­te­fois, il ne s’agit pas d’oublier l’histoire au pro­fit de la nature. La pre­mière a bien des choses à nous apprendre sur la seconde. Et l’adepte d’une cer­taine phi­lo­so­phie de l’histoire héri­tée des Lumières et de Marx opte pour une nou­velle char­nière où nature et his­toire ne s’opposeraient plus. Et ce, afin de ten­ter de sor­tir de nos inquié­tudes et angoisses jus­ti­fiées. L’exemple de l’Australie aujourd’hui le prou­ve­rait  s’il fal­lait encore s’en convaincre.

Il s’agit donc d’inventer “un petit homme vert” lourd de sa culpa­bi­lité et qui serait un anti-Faust. Face à le dévas­ta­tion ins­tau­rée par les catas­trophes de l’ère indus­trielle — dont en occi­den­taux nous avons lar­ge­ment pro­fité mais dont il faut sor­tir — il convient d’espérer et de croire à une nou­velle donne. Elle ne se limite pas pour Debray à un caté­chisme éco­lo­gique qui pren­drait le rôle qu’ont tenu le libé­ra­lisme et le mar­xisme.
Pour autant, l’auteur rap­pelle ce que l’Histoire a su construire face à l’idéal de la nature. Car pour lui le vert n’est pas for­cé­ment lui­sant. Il n’en fait pas une mystique.

Bref, l’essayiste pense une nou­velle mar­gi­na­lité. Sa pen­sée “réac­tion­naire” se veut non luthé­rienne. Il croit encore à la jouis­sance et au jouis­sif en oppo­sant un droit face à la nature mais dans la recherche d’un équi­libre contre l’ensauvagement d’un côté et le libé­ra­lisme sau­vage de l’autre. Sau­ver la civi­li­sa­tion ne passe pas par des solu­tions abso­lu­tistes. L’essayiste sait où elles mènent.
En “ron­chon imper­ti­nent et facé­tieux”, il se refuse à deve­nir un ado­ra­teur incon­di­tion­nel d’un nou­veau culte reli­gieux à Gaïa.

C’est un peu juste dirons cer­tains. Mais, pour com­prendre les enjeux du  “siècle vert”, il convient  de s’attacher à la pen­sée d’un tel vieux sage.

jean-paul gavard-perret

Régis Debray, Le siècle vert, Gal­li­mard, coll. “Tract”, Paris, 2020, 64 p. — 4,90 €.

 

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