Philippe Sollers, Lettres à Dominique Rolin (1982 — 2008)

Sollers et son double

Cette seconde par­tie de la cor­res­pon­dance adres­sée à son égé­rie par Sol­lers est moins pro­bante que les pre­mières lettres. Il existe bien sûr la jouis­sance d’écriture qui atteint par­fois une sorte d’enchantement poé­tique envers le “vieux petit chat”. Et ce, quand Sol­lers refuse de se faire Rami­na­gro­bis pate­lin et accepte son pen­chant plus pro­fond.
Mais la jouis­sance du corps s’est sans doute par­tiel­le­ment (mais plus que moins) estom­pée. D’autant que Sol­lers a gagné en bou­teille. Il est devenu ce que sa maî­tresse a contri­bué à façon­ner : un des maîtres des lettres fran­çaises. Il le sait et sacri­fie à une auto-célébration qui a comme corol­laire le déni­gre­ment des autres : ceux du monde lit­té­raire avant tout mais les poli­tiques en prennent aussi pour leur grade.

Certes, Sol­lers s’amuse avec celle qui le connaît si bien (trop peut-être…). Néan­moins, elle reste pre­neuse de ses idées, “fusées” (Bau­de­lai­riennes), pro­jets, fan­tai­sies, saillies et bali­vernes là où Bal­la­dur comme Benoît XVI reçoivent des volées de bois vert. Mais ce sont pas les seules vic­times de ce déca­page en règle.
Ces plai­san­te­ries ont des jus­ti­fi­ca­tions : l’auteur pré­fère celles et ceux qui sont capables de faire éclore l’improbable à tous les fai­seurs qui, sous pré­texte de ne pas tour­ner en rond, ne forment en bour­riques qu’un  immense cercle vicié. Le Saint Père des lettres en pré­fère de plus vicieux. Dès lors, pour­quoi se perdre dans des com­men­taires par­fois estoufagailles ?

C’est pour­quoi ce second opus d’une pas­sion (amou­reuse et lit­té­raire) avec celle qui fut l’amante aînée de 20 ans  reste avant tout amou­reux de lui-même. Se com­prend dès lors pour­quoi Gal­li­mard a pris soin de sépa­rer les deux cor­pus de lettres. D’un côté, celles de Domi­nique, puis en deux tomes celles de Phi­lippe dont Frank de Haes — en accord avec l’amoureux peu transi — n’a publié que des mor­ceaux choi­sis.
Mais le tri aurait pu être plus judi­cieux. Car bien des digres­sions et apar­tés n’apportent rien à la gran­deur de celui qui régna en poten­tat sur la rue qui se nom­mait encore Sébas­tien Bottin.

jean-paul gavard-perret

Phi­lippe Sol­lers, Lettres à Domi­nique Rolin (1982 — 2008), Gal­li­mard, 2020, 336 p. — 19,00 €.

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