Cette seconde partie de la correspondance adressée à son égérie par Sollers est moins probante que les premières lettres. Il existe bien sûr la jouissance d’écriture qui atteint parfois une sorte d’enchantement poétique envers le “vieux petit chat”. Et ce, quand Sollers refuse de se faire Raminagrobis patelin et accepte son penchant plus profond.
Mais la jouissance du corps s’est sans doute partiellement (mais plus que moins) estompée. D’autant que Sollers a gagné en bouteille. Il est devenu ce que sa maîtresse a contribué à façonner : un des maîtres des lettres françaises. Il le sait et sacrifie à une auto-célébration qui a comme corollaire le dénigrement des autres : ceux du monde littéraire avant tout mais les politiques en prennent aussi pour leur grade.
Certes, Sollers s’amuse avec celle qui le connaît si bien (trop peut-être…). Néanmoins, elle reste preneuse de ses idées, “fusées” (Baudelairiennes), projets, fantaisies, saillies et balivernes là où Balladur comme Benoît XVI reçoivent des volées de bois vert. Mais ce sont pas les seules victimes de ce décapage en règle.
Ces plaisanteries ont des justifications : l’auteur préfère celles et ceux qui sont capables de faire éclore l’improbable à tous les faiseurs qui, sous prétexte de ne pas tourner en rond, ne forment en bourriques qu’un immense cercle vicié. Le Saint Père des lettres en préfère de plus vicieux. Dès lors, pourquoi se perdre dans des commentaires parfois estoufagailles ?
C’est pourquoi ce second opus d’une passion (amoureuse et littéraire) avec celle qui fut l’amante aînée de 20 ans reste avant tout amoureux de lui-même. Se comprend dès lors pourquoi Gallimard a pris soin de séparer les deux corpus de lettres. D’un côté, celles de Dominique, puis en deux tomes celles de Philippe dont Frank de Haes — en accord avec l’amoureux peu transi — n’a publié que des morceaux choisis.
Mais le tri aurait pu être plus judicieux. Car bien des digressions et apartés n’apportent rien à la grandeur de celui qui régna en potentat sur la rue qui se nommait encore Sébastien Bottin.
jean-paul gavard-perret
Philippe Sollers, Lettres à Dominique Rolin (1982 — 2008), Gallimard, 2020, 336 p. — 19,00 €.