Karine Bauzin est une fonceuse, elle traverse le monde pour rapporter dans ses reportages de l’inconnu qui n’est pas l’extraordinaire mais ce qui, sans elle, ne se verrait pas. Ou mal. Encouragée au départ par Raymond Depardon, elle poursuit son travail dans divers magazines de son pays d’origine (la Suisse) mais pas seulement. Ses « narrations » restent sobres, intrigantes, riches d’une beauté poétique.
Elles demeurent en dévers d’une saisie qui appellerait a priori un autre flux. Karine Bauzin crée des suites de déplacements, casse le fétichisme du cliché comme du réel afin que l’œil capte ce que l’artiste renverse selon une force visuelle porteuse d’un indicible très particulier : l’absence de ce qui brille fait le jeu de la présence pour la mémoire d’un temps renversé entre le haut et le bas.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Mon réveil… puis la lumière.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Des rêves d’adulte pour continuer à s’évader.
A quoi avez-vous renoncé ?
Faire des claquettes… car je n’ai aucun sens du rythme.
D’où venez-vous ?
D’ici et de là.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Je ne sais pas encore, après 25 ans… il ne s’est toujours pas lancé.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Déclencher.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres photographes ?
Le décalage, la sensibilité que j’essaie d’exprimer à travers mes visuels.
Comment définiriez-vous votre approche “poétique” si tendue entre le sérieux et une certaine révision d’un tel sentiment (mais je me trompe peut-être…) ?
Mixer l’absurdité avec des sujets graves, c’est interpeller le spectateur et l’interroger sur sa propre vision.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Une photo de Raymond Depardon d’un jeune à califourchon sur le mur poussant un cri lors de la chute de celui-ci à Berlin.
Et votre première lecture ?
“Mort à crédit” de Céline.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Gainsbourg, Lou Reed, Dire Straits, Coccon, Jamie Cullum, Patti Smith, Ibrahim Maalouf.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
“L’honorable partie de campagne” de Thomas Raucat.
Quel film vous fait pleurer ?
“E.T.” de Steven Spielberg.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une artiste heureuse.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A mon sosie qui n’existe pas.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Paris, ses quartiers, son ambiance, son énergie.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
William Klein, Richard Avedon, Jimmie Nelson, Marguerite Duras, Samuel Beckett.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un paquet surprise avec de la santé en abondance.
Que défendez-vous ?
Mon travail de photographe de presse.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Pas facile de parler d’Amour… mais c’est une chance d’être entourée des gens qu’on aime et de leur dire.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Etant très enthousiaste sur de nombreux projets, en accord parfait avec l’humour que j’aime tant de Woody Allen….
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Avez-vous un casier judiciaire?
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 6 décembre 2019.