L’entrée dans la matière même de l’art
François Lunven est mort à 29 ans en 1971 à la veille d’une exposition importante, il avait 29 ans. Il reste un des plus grands graveurs du XXe siècle dont l’oeuvre est aussi rare qu’importante. Bernard Noël qui fut son ami lui consacra plusieurs textes, rassemblés ici.
Ils furent un moyen de conjurer l’absence et rappeler à travers le lien de l’amitié ce que ce travail possède d’universel et de tragique. Les texte sont prolongés par une suite complète des gravures de l’artiste pour Julien Gracq.
“Il était vivant. Il est mort. La vie devient du passé ; la mort reste perpétuellement au présent. Il savait que la seule durée est de ce côté-là, et que l’homme, à la fin, tombe dans l’histoire.” écrit Bernard Noël.
Et toute cette problématique innerve l’oeuvre de créateur — comme d’ailleurs celle de son critique.
Dans ses images de la danse, du combat, du carnaval”, sinon la mort, la décomposition de la vie est là. Néanmoins, une recomposition tente de suivre son cours comme s’il fallait parfois faire preuve d’oubli et même si les textes du poète s’inscrivent en faux contre lui.
C’est comme si la vie pouvait recommencer où on l’ignore, sans néanmoins un penchant pour l’illusion.
Lunven — et Noël le rappelle — savait pénétrer dans le temps et comprendre que tout va finir et que la fin détermine notre existence.
Il ne s’agissait pas de se souvenir seulement de la mort mais de voir devant soi l’ouverture d’une plénitude : ce n’est pas une échappée, c’est l’entrée dans la matière même de l’art. Et les textes ressemblent à l’espace de la mémoire, mais ils n’excluent pas la perte et l’oubli.
Mais, dans les deux cas, le pouvoir de création contrôle la relation avec le temps.
jean-paul gavard-perret
Bernard Noël, François Lunven, Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 2019, 88 p. — 19,00 €.