Les voies de la poésie et du discours sont impénétrables
Le titre du livre peut se lire de deux façons. Se présentant sous forme de journal, il répond d’abord à la formule de Khelbnikov que l’auteur cite : « Nous avons besoin de point d’appui, c’est-à-dire de journaux intimes ». Mais ce titre peut tout autant se lire de manière “négative” : à savoir que pour se chercher il n’existe aucun appui. L’homme doit plonger dans son abîme.
Tel est l’enjeu d’un livre où se mêlent rêves notés le matin même, des pensées du jour, des anecdotes comiques, des critiques de films et de livres, des souvenirs, des visions mais aussi des poèmes, des interludes (« haïku pour rire, mirlitonades fastoches »).
Car tout est bon dans une telle politique de l’humain — ou sa dérive. Nous sommes placés tout autant dans le garage que l’atelier littéraire de celui qui face — et comme Blanchot– au “désoeuvrement dépressif”, plutôt que chercher des “punch lines” explosive,s crée une écriture en patchwork car là où , dit-il, “‘l’alternance fait rythme, une architecture émerge”.
Existe ici une vraie liberté dans des variations quelque peu farcesques. S’analysent divers types de lecture et de préhension qui échappent au système de la mode et à celui du compassé d’un récit littéraire ou d’un reportage romancé.
Pour Prigent, les voies de la poésie et du discours sont plus impénétrables qu’il n’y paraît. Elle passe en ce livre par la genèse des formes et leur système. Et ce, à travers diverses pistes. Elles se démultiplient en dissonances essentielles. Le ton n’est pas toujours sérieux. Car, comme limité par le temps, l’auteur quelquefois opère par simples assertions, qui peuvent se lire alors comme les débuts de chapitres manquants.
Mais ces brefs discours sont plus solides que l’auteur veut le faire croire. Poèmes prosaïques récits digressifs ou hétérogènes, films dansants, lectures retracées plaident pour une imagination technique qui semble négligée mais qui ne l’est en rien. Tant s’en faut.
jean-paul gavard-perret
Christian Prigent, Point d’appui 2012 — 2018, P.O.L éditeur, Paris, 2019.
Qui n’a jamais entendu Christian Prigent lire sa poésie ne saura jamais la puissance de son point d’appui . JPGP s’y trouve .