Un être sans temps et sans genre
Les possibilités du genre, la condition féminine au fil des siècles, les structures du patriarcat, le désir et la sexualité : c’est ce dont s’empare Katie Michelle dans sa mise en scène du roman de Virginia Woolf, Orlando. Une biographie. Lorsqu’Orlando nait en Angleterre, dans une famille de la haute noblesse du temps d’Élisabeth Ière, « il n’y avait aucun doute quant à son sexe ».
Suite à la mort de la reine, avec qui il entretenait une liaison, ce courtisan adoré de tous tombe amoureux de la fille de la belle Sacha. Elle l’abandonne. De retour dans son château, il sombre dans un sommeil long de sept jours. Puis c’est à Constantinople qu’il réitère cette étrange expérience. Mais au lendemain de la septième nuit, Orlando s’éveille : à trente ans il est devenu femme.
Avec la troupe de la Schaubühne, la compagnie Katie Michelle crée un projet audacieux et très libre sans être novateur : l’intervention du procédé cinématographique est permanente dans l’espace du théâtre. La scène est un plateau de tournage où le film qui retrace la vie d’Orlando est en train de se faire. Les scènes projetées sur grand écran sont tournées en direct. Caméras, perchman, techniciens et maquilleurs encadrent des protagonistes qui se font plus acteurs que comédiens… Une voix féminine, en off, narre les épisodes d’une vie mue par ses métamorphoses. De Londres jusqu’à Constantinople, du XVIe jusqu’au XXIe siècle, c’est l’histoire d’un héros qui devient héroïne, et qui n’en éprouve ni surprise, ni horreur. Commence simplement pour Orlando sa vie de femme.
Entre liberté sexuelle, restrictions imposées par les hiérarchies du pouvoir patriarcal, et quête de l’écriture l’héroïne expérimente cette nouvelle existence, son acceptation sociale. Le déguisement devient farce, le travestissement est de mise alors que les scènes burlesques se multiplient. La metteure en scène consacre une place essentielle à l’éveil de la sensualité, de la sexualité, du plaisir masculin et féminin, l’homosexualité étant banalisée tandis qu’on assiste à une mise en échec des catégories apparemment déterminées.
Les époques se succèdent et les anachronismes se multiplient pour faire d’Orlando un être sans temps et sans genre. Katie Michelle donne ainsi à voir un Orlando femme et homme porté vers le désir et l’amour, mais dans une mise en scène souvent pauvre en renouvellements et qui reste frivole du début à la fin.
clara cossutta
Orlando
de Virginia Woolf
Mise en scène Katie Michelle
© Stephen Cummiskey
avec
Ilknur Bahadir, Philip Dechamps, Cathlen Gawlich, Carolin Haupt, Jenny König, Alessa Llinares, Isabelle Redfern, Konrad Singer
et Stefan Kessissoglou, Nadja Krüger, Sebastian Pircher
Adaptation Alice Birch ; collaboration artistique Lily McLeish ; scénographie Alex Eales ; costumes Sussie Juhlin-Wahlen ; conception visuelle Grant Gee ; vidéo Ingi Bekk ; collaboration à la vidéo Ellie Thompson ; son Melanie Wilson ; lumière Anthony Doran ; dramaturgie Nils Haarmann ; caméra Nadja Krüger, Sebastian Pircher ; perchman Stefan Kessissoglou ;
Au théâtre de l’Odéon, Place de l’Odéon, 75006 Paris
en allemand, surtitré en français — durée 1h50
du 20 au 29 septembre 2019, à 20h.
Production Schaubühne Berlin — coproduction Odéon-Théâtre de L’Europe, Teatros del Canal — Madrid, Göteborgs Stadsteater / Backa Teater, and São Luiz Teatro Municipal, Lisbonne.
en collaboration avec le réseau européen Prospero, avec le soutien du Cercle Giorgio Strehler.
Création le 5 septembre 2019 à la Schaubühne Berlin.