Il arrive que des psychanalystes soient victimes de leur propre jeu lorsque celui-ci déraille eu égard à leurs qualités — ou leurs limites — en tant que thérapeutes. C’est ce qui arrive au palot Horace Finck. Le héros a un beau prénom mais il fait partie des Curiace plus que des coriaces. Père et mari plus ou moins douteux, il tombe amoureux d’une de ses clientes milliardaires.
Ce qui lui permet — parmi d’autres gains potentiels — de s’ouvrir, dans la lumières des années folles, au luxe, richesses et voluptés. Ingrédients qui cachent dans ce roman diverses névroses, psychoses et hystéries.
Dès lors, cet Américain aventureux presque malgré lui devient le pauvre errant. Victime de ses dérives, il va aller jusqu’à se coucher sur le divan de Freud himlself. S’ensuivent des scènes désopilantes. Le Maître expectore dans le crachoir de cuivre posé à même ses pieds tandis que son client vaticine à outrance, de manière farcesque plus que sensée, non sans avoir été un temps muet.
Ce roman picaresque ondule entre le narcissisme des êtres et le rire de certains ogres ou ogresses, là où l’oeil de la nuit est autant celui de l’inconscient que de la vision lucide que le brave Finck arrive à recouvrer au fil de ses dégradations sentimentales et intellectuelles.
Finalement, après tourments, déchirures et impasses il se lasse de tout. Même de pécher. C’est dire l’état latent dans lequel Pierre Péju le laisse choir.
jean-paul gavard-perret
Pierre Péju, L’oeil de la nuit, Gallimard, coll. Blanche,Paris, 2019, 432 p.