Le blason de Lichen est le deuxième livre de Pierre Lecoeur. Ses deux héroïnes passent un séjour dans la campagne du nord-est des USA. Chaque étape de leur périple devient une révélation de ce qui se passe lors de la découverte des lieux et des choses qui peuvent être les plus simples à l’image du grain de blé que l’une des amies sort de sa poche : “Il est revêtu de sa couleur propre et personne ne l’a imaginé. Son arrondi parfait s’accentue pour que sa ligne entre en elle-même, à la couture, au défaut, là d’où la pousse jaillit quelles que soient les coutumes, les passions et les illusions de ceux qui l’ont planté”.
Dans ce parti pris des choses deux psychologies se dessinent : une des jeunes femmes est tournée vers les autres et le langage, l’autre est plus mutique et terrienne, poreuse à ce qui est et semble passer dans le filtre du langage même si celui de Lecoeur le révèle. Existe toute la présence du temps et ce qui lui échappe à travers l’énigme du monde que les deux égéries décodent.
Thoreau n’est parfois pas loin. dans ces lieux du visible à partir desquels un rapport avec la vie s’engage. L’auteur le dessine en ce récit de poésie en prose au moment où les deux héroïnes, sortant de l’enfance, font l’expérience d’un enchantement de l’émerveillement le plus banal comme celui d’un amour.
Non seulement elles se mirent l’une dans l’autre mais portent l’histoire d’une terre dans ce qui tient d’un mythe. Il pourrait sembler tardif au moment de la destruction de la planète.
Néanmoins, sa beauté se réinvente dans de multiples apparences transatlantiques et les sensations qu’elles suscitent.
jean-paul gavard-perret
Pierre Lecoeur, Le blason de lichen, illustrations de Marie Alloy, Editions Fata Morgana, Fonyfroide le Haut, 2019, 80 p.