Ann Van der Linden l’insolente
Les créatures d’Ann Van der Linden sont souvent des maîtresses femmes voire “pire” ou mieux. Pour autant, l’artiste semble ne pas leur faire de cadeau. Il faut dire qu’elles sont saisies ici dans l’exercice de leurs métiers (parfois normaux, parfois plus gores) mais en tous les cas ils ne sont pas forcément roses.
Néanmoins, même lorsqu’elles font la gueule, la sensualité des mégères est là. Tout pulpe en de telles fictions d’un quotidien que le dessin déplace en un aspect “freak” irrésistible.
Surgit des images une fascination pour et entre autres des gothiques geishas et leurs tatouages (mais pas seulement). Tout semble en tumulte moins par les narrations que par leur traitement dans une esthétique où le fétichisme sexuel prend des chemins de traverse. Et le romantisme est à l’envers.
Les Anges de l’éros pactisent avec l’enfer. Nous ne sommes jamais loin d’une forme de pornographie dans la mesure où, en reniant les codes figuratifs, Ann Van der Linden transmet des idées subversives par l’appel à un certain « scandale ». Elle crée l’imbrication du théâtral et du romanesque en une répercussion de son statut de femme et de la Femme souvent encore réduite à un objet.
L’artiste les sauve dans des scénarisations où leur nature n’est plus faite pour répondre aux remugles du mâle.
Van der Linden n’a à réconcilier ni les femmes entre elles, ni les sexes entre eux. Elle ne cherche pas non plus à les exclure. Certains pourraient l’estimer déchirée entre ses contradictions, le sale et le sublime : rien n’est plus faux.
Elle fait palpiter la convulsion qui n’exulte que contre l’absence de pouvoir être.
jean-paul gavard-perret
Ann Van der Linden, Petits métiers, galerie E2 / Sterput, Bruxelles, octobre-novembre 2019.