Denis Moncho est un poète d’exception et bien trop méconnu. Pour lui, l’écriture est non une manière de dire mais de vivre : d’où le titre de son livre. A la fois rien n’y coule de source et pourtant le poète épouse son époque : des gilets jaunes aux matchs de rugby.
Pour autant, le réel est totalement décalé de manière aussi infime que surprenante : “Catherine est venue chez moi / Elle s’appelle Catherine Bois / Elle me fait penser au centre / Ce n’est pas au milieu mais au centre”. Ou encore “L’équipe de France reçoit le Pays de Galles / Les Français n’ont pas la gale / Les Français sont courageux / Ils n’ont jamais été peureux”.
L’humour est donc présent mais toujours de manière décalée. Il y va d’une dérobade au moment de la plus grande retenue — mais l’inverse est vrai aussi. L’invisible fait surface juste ce qu’il faut.
Tout reste de l’ordre de l’appât là où le poète remonte le présent — du moins ce qu’il en reste.
Il propose en un minimalisme aussi sporadique que prégnant la captation des signaux que d’autres auteurs ne soupçonnent même pas. Et ce, dans l’incertitude des choses simples mais qui ne le sont pas là où de l’avenir pourrait ne se percevoir que le mur de la cuisine au papier peint défraîchi. Inventant sa propre poétique, Denis Moncho fait entendre “le regard du sourd” en ce qui fait surface au sein d’un univers tour à tour proche et lointain.
Il s’agit d’inventer le regard. De glisser à la surface des informations, des êtres et des volumes. Sans rien expliquer ou revendiquer à travers la cloison fragile et transparente du réel.
Pour inventer ce regard, il s’agit d’atteindre le fond du lisible en brouillant toute structure du discours par une théâtralisation d’un sens à peine formulable.
jean-paul gavard-perret
Denis Moncho, Poésie quand tu nous tiens, Editions Libre Label, Orthez, 2019, 39 p.