Max Fullenbaum, Mohair suivi de Mot à mot oratorio

 Topo­gra­phie de la Shoah

On ne se remet jamais de l’histoire, sur­tout lorsque sous Hit­ler on avait un nom que l’auteur nomme « inflam­mable ». Pour autant, Ful­len­baum n’écrit pas un énième livre sur la Shoah. Il sur­prend ici par la puis­sance de son écri­ture quasi expé­ri­men­tale. Pour dire le désastre, Ful­len­baum au lieu d’étouffer la langue hia­tus la déplace à la fois par chan­ge­ment de genre, cas­sures, répé­ti­tions et scan­sions.
Celui qui dans son enfance a échappé par un quasi-miracle aux rafles et à dévalé son pays en Pétai­nie mélange ses sou­ve­nirs et le réel en frag­ments ambi­tieux, angois­sants, ter­ribles au nom de “La” mohair qui inclut mort et air dans ce que les nazis ont com­mis comme forfaits.

Existe là quelque chose d’irréductible. Et ce, pour une rai­son majeure et un défi : la lit­té­ra­ture ici ne fait pas image, elle s’invente et pro­gresse. Elle indique un pas­sage ou une tra­ver­sée au moment où le texte semble appar­te­nir non à un ordre de ce qui fut ou de ce qui est mais de ce qui reste en deve­nir dans les jeux de sub­stances syn­taxiques.
L’auteur remonte et démonte la topo­gra­phie de la Shoah par celle de l’écriture qui devient une poé­tique de l’espace du son et du sens qui sort sou­dain du for­clos. Nulle pos­si­bi­lité de négli­gence, rêve­rie, oubli.

L’impen­sable est mis à nu de manière intime et géné­rale par celui qui offre une vision impi­toyable mais laisse la place à une cir­cu­la­tion par­fois étrange : à l’étoile impo­sée suc­cèdent des fou­lards choi­sis sans que l’histoire fasse de grand pas en avant – sinon au bord de bien des gouffres. C’est vieux comme elle.
Néan­moins, Ful­len­baum ne déses­père pas. Du moins pas en tota­lité. Il embrasse des phrases rim­bal­diennes pour faire bon poids. Il n’empêche que l’arrivée des ordi­na­teurs fait une nou­velle fois le jeu des barbares.

Et entre vie telle qu’elle fut ou telle que l’auteur la recons­truit, toute une charge sou­ter­raine suit son cours. Et le bilan n’est pas for­cé­ment satis­fai­sant. D’où ce néces­saire rap­pel à l’horreur de ce qui fut.

jean-paul gavard-perret

Max Ful­len­baum, Mohair suivi de Mot à mot ora­to­rio, Voix Edi­tions, Richard Meier, 2016, –26,00 €.

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