Emmanuelle Bastien, J’irai voir

Suivre son propre chemin

Livre visuel et tac­tile, l’ouvrage d’Emmanuelle Bas­tien (qui est pas­sée par les Beaux-Arts de Besan­çon) et qui paraît en même temps qu’un livre com­pa­rable de Jérôme Ruillier (“Où va Mona”) s’adresse au lec­teur comme au non lec­teur par la maté­ria­lité même de l’ “objet” livre. Il offre une liberté d’interprétation. En quelques pages car­ton­nées faites pour de toutes petites mains, il per­met de décou­vrir des pay­sages, un uni­vers, des ambiances aussi cadrées que laby­rin­thiques.
Ces deux livres ne sont pas figu­ra­tifs. Ils s’attaquent par une forme d’abstraction à des élé­ments figu­ra­tifs (la forêt par exemple). De coupes et découpes aux cou­leurs uniques sur­gissent des pay­sages à tra­vers elles. Ils appa­raissent ou se gravent à mesure que les pages se tournent de diverses manières.

Fait pour les tous petits, le livre raconte des his­toires poten­tielles. Ils peuvent se les appro­prier avec leur propre ima­gi­naire en for­ma­tion tout en y appre­nant (au pas­sage) le des­sin. Certes, ce livre mérite un accom­pa­gne­ment pre­mier de l’adulte avant que l’enfant fasse sien un tel objet mini­ma­liste. Ses construc­tions gra­phiques à la Matisse, de sim­pli­cité aus­tère mais bien­ve­nue, mérite en effet un gui­dage ini­tial.
Dans une nuit d’encre au bas d’une page se trouve une grotte qui se trans­forme afin que s’y dis­tingue une lumière de lune. Dès lors, les parents peuvent par­ta­ger de vrais moments avec leurs enfants car une mul­ti­pli­cité de lec­tures reste pos­sible. Le livre de Ruillier est plus simple, il se lit de bas en haut et en accor­déon, là encore en à-plats de cou­leurs là où Mona comme les autres vont “quit­ter la grande route” au moment où un che­min se creuse dans la page.

De tels ouvrages invitent l’imaginaire à de superbes pro­me­nades par la puis­sance de l’univers gra­phique voire exis­ten­tiel.
Le livre, d’objet, tire vers le livre d’artiste là où il s’agit d’apprendre à suivre son propre che­min puisque l’objectif d’Emmanuelle Bas­tien est de lais­ser la place à la liberté d’invention.

jean-paul gavard-perret

Emma­nuelle Bas­tien, J’irai voir, Edi­tions de l’Agrume, Paris,  2019.

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