Jean-Henri Fabre, tel un nouveau Cuvier et un naturaliste hors pair, poursuit ici son bestiaire accompagné de dessins de Pierre Zanzucchi. Nous entrons dans un monde qu’hélas les pesticides tendent à faire disparaître. Les observations poétiques (mais tout autant scientifiques) de l’auteur nous permettent de suivre l’Ergate, le Scarabée sacré ou encore l’Osmie perverse : “si placide au début”.
Mais, “se sentant les ovaires épuisés, elle effractionne les cellules de ses voisines, en disperse le miel poudreux, elle en éventre l’oeuf, elle le mange”. Grillons et mantes ne valent pas forcément mieux mais nous vagabondons en passant par celle qui “grignote un cuissot de son époux invalide”, manière de mettre un terme aux scènes de ménage…
Le livre dans ses multiples plissements et déploiements est allègre. Sans le vouloir, il nous transforme en savants séduits par de telles connaissances et la manière dont elles sont écrites. Rien ne nous est épargné du spectacle de la nature : ses éblouissements mais aussi ses charniers nous fascinent là où, dans le laboratoire de la taupe commune, les “sylphes, à larges et sombres élytres de deuil, fuient éperdus”.
Nous devenons partie prenante d’un tel monde qui grouille sous nos pieds — lorsque nous avons la chance de vivre à la campagne — ou dans notre tête.
Existe là un ravissement même dans l’horreur de pompes souvent funèbres. Et il n’est pas seulement du côté de Sodome que des opulentes familles de pucerons cultivent sous notre nez ou presque de bien étranges secrets. Régal d’observations, de sciences vivantes et de poésie, le livre rappelle par la bande la nécessité de préserver un monde polymorphe si fragilisé.
Il est aussi un appel à visiter “L’Harmas” maison et observatoire à ciel ouvert propice à la découverte comme à l’imaginaire. Celui de l’auteur fait de ce joyaux littéraire un texte premier.
jean-paul gavard-perret
Jean-Henri Fabre, Nouveaux portraits d’insectes, Le Castor Astral, Le Pré Saint Gervais, 2019, 168 p. — 14,00 €.