Danielle Mémoire, Le rendez-vous de la marquise

Corpus du corpus

La ques­tion ici n’est plus de savoir si la mar­quise sort à cinq heures. Danielle Mémoire n’est pas chi­po­teuse sur les horaires car elle a mieux à faire. Sur­tout lorsqu’elle s’amuse. Ce qu’elle fait tou­jours peu ou prou pour ne pas ennuyer le lec­teur ou abu­ser de sa patience.
Ici, tout part de la chan­son popu­laire “Les 80 chas­seurs” où une belle mar­quise sans héri­tiers invite les uns après les autres une horde de tireurs d’élite.

Elle les reçoit loin des exploits sexuels pos­si­ble­ment atten­dus pour évo­quer avec eux ses écrits en cours, avec de nom­breuses digres­sions, canu­lars, expli­ca­tions de mots, cita­tion. Les dif­fé­rents dia­logues sont bien plus qu’une com­mo­dité de la conver­sa­tion par­fois volon­tai­re­ment  “absurde” en rien abru­tis­sante.
L’objectif est moins de pro­po­ser un manuel en acte du dis­cours que d’offrir un art poé­tique dro­la­tique à tra­vers l’oeuvre de l’auteure elle-même mais aussi via Allan Edgar Poe, Sher­lock Holmes, Conan Doyle et son Doc­teur Wat­son, Arthur Gor­don Pim, Bau­de­laire. Appa­raissent aussi d’autres incon­nus réels ou ima­gi­naires, et jusqu’à la « vieille Eula­lie » du Can­tique d’Eulalie, le pre­mier texte connu en langue française.

Nous retrou­vons ici Danielle Mémoire dans sa verve. Et une fois de plus, en ce cor­pus du cor­pus  se retrouvent de mul­tiples varia­tions sur les anciens textes et his­toires d’une auteure brillan­tis­sime. Elle ne cesse de créer des pro­fon­deurs irri­tées et des sur­faces irri­tantes avec ala­crité. Le feu lit­té­raire ren­voie l’écriture à la consis­tance d’un organe plein de trompe-l’oeil (ils disent et montrent beau­coup) à tra­vers les matières « orga­niques » qui le consti­tuent.
L’artiste incarne une “ cor­po­réité ” para­doxale de la langue. Le livre tra­vaille la réver­sion de la fic­tion et  éloigne de la logique habi­tuelle du repli ima­gi­naire. Il trans­forme la matière ver­bale en une véri­table mor­pho­gé­nèse dérou­tante et pleine d’humour.

jean-paul gavard-perret

Danielle Mémoire, Le rendez-vous de la mar­quise, P.O.L Edi­teur, Paris, 2019.

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