John (Wajdi Mouawad / Stanislas Nordey)

Le mes­sage ténu du dire impossible

Un silence se fait, comme si le public, lassé de ses palabres, vou­lait mani­fes­ter son attente d’un moment un rien solen­nel. On est dans une chambre, repré­sen­tée par un des­sin au sol, pro­longé par une pers­pec­tive sur une grande toile qui occupe le centre du pla­teau. Un jeune homme enre­gistre une vidéo post­hume. Il s’y reprend à plu­sieurs reprises. Des mots simples, bruts, jetés pour dési­gner son pro­pos autant que son exis­tence ; ainsi de « tout effa­cer ».
Une per­sonne en détresse cherche des mots pour dire l’absence de mots. Un texte volon­tiers tendre, dans sa douce exas­pé­ra­tion. Une révolte contre ses parents, contre sa condi­tion, contre toute attente. Il s’agit d’exprimer avec spon­ta­néité le mal-être qui conduit à mettre fin à ses jours.

Comme il est aussi ques­tion de mani­fes­ter une per­son­na­lité, le pro­pos s’alourdit dans la pesan­teur d’une situa­tion par­ti­cu­lière. Pour­tant, la démarche reste mono­li­thique et peine à trou­ver une dyna­mique. Pour explo­rer l’impossibilité du dire, Wajdi Moua­wad recourt par moments à une écri­ture incom­plète, sac­ca­dée, des phrases cou­pées. On assiste aux ater­moie­ments d’une conscience aux prises avec ses propres cir­con­vo­lu­tions.
Le comé­dien se débat hon­nê­te­ment avec le pro­pos, sta­tique s’il en est, même si le choix d’un phrasé fran­çais fait perdre la tona­lité de la langue qué­bé­coise. Un mes­sage ténu, de struc­ture et de teneur dif­fi­cile. A terme, un témoi­gnage post­hume d’une de ses proches pré­sente un hom­mage à demi-voix, inter­rompu, brisé.

chris­tophe giolito

 

John

De Wajdi Mouawad

Mise en scène Sta­nis­las Nordey

© Jean-Louis Fernandez

Texte Wajdi Moua­wad ; mise en scène Sta­nis­las Nor­dey ; scé­no­gra­phie Emma­nuel Clo­lus ; lumière Phi­lippe Berthomé.

Avec Damien Gabriac et Julie Moreau

Au théâtre des quar­tiers d’Ivry, Manu­fac­ture des Œillets1 place Pierre Gos­nat 94200 Ivry-sur-Seine

Du 8 au 19 avril 2019, lun­dis, mar­dis, ven­dre­dis à 20h, jeu­dis à 19h, samedi à 18h et dimanche à 16h.

Pro­duc­tion Théâtre Natio­nal de Stras­bourg. Copro­duc­tion La Nef — Saint-Dié-des-Vosges
Une pre­mière étape de ce pro­jet a été pré­sen­tée dans le cadre du Pro­gramme Édu­ca­tion & Proxi­mité ini­tié par La Col­line – théâtre natio­nal, le Théâtre Natio­nal de Stras­bourg et La Comé­die de Reims – Centre dra­ma­tique natio­nal. Cette étape a été sou­te­nue par la Fon­da­tion SNCF, la Fon­da­tion KPMG et la Caisse d’Épargne Île-de-France.

Créa­tion le 25 jan­vier 2019 à La Nef – Saint-Dié-des-Vosges 
Le décor et les cos­tumes sont réa­li­sés par les ate­liers du TNS.

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