Après Le chien, la neige, un pied, dans un pays de montagnes les personnages sont soumis aux mouvements des pierres dans la bonne herbe. Tout est drôle dans ce lieu où elles se mettent à rouler et croître pas très loin de Sostigno.
Il s’agit de remonter le temps pour comprendre comment tout est devenu instable au moment où n’y a plus de saisons ou plutôt lorsqu’elles s’entassent les unes sur les autres en une même année, si bien qu’il neige en été. La transhumance des vaches est perturbée par celle les pierres qui commencent à submerger les villageois.
Sous forme de conte enfantin, le rire est omniprésent et cruel en une catastrophe annoncée comparable à L’avenir est dans les oeufs de Ionesco. Le livre se crée à mesure que se développe un drame aussi social que surréaliste.
La littérature fonctionne à plein et crée un plaisir certain par son réalisme magique du conte perché où les pierres s’en prennent d’abord au curé. Il y a du Ramuz et de l’Italo Calvino dans cette invasion minérale.
Pepe Ramaglia le guérisseur tente d’intimider les pierres. Un mage essaye d’exorciser la maison contaminée avant que chacun se contente de préparer une soupe de pierres — faute de mieux. Sans pastiche ou postiche, le roman poursuit sa route très particulière. Aucun risque de “déceptivité” dans ce voyage où l’absurde va jusqu’au bout, sans le moindre souci de symbolisme ou de clé.
Le monde avance en se détruisant et se reconstruisant par le jeu perpétuel où la narration fait loi comme dans tout conte digne de ce nom.
jean-paul gavard-perret
Claudio Morandini, Les Pierres, traduction de Laura Brignon, Anacharsis Editions, 2019, 192 p. — 19,00 €.
vivantes pierres après pierres en chemin sous les pas du facteur Cheval