Ode l’amour sous toutes ses formes
Le livre de Rémy Disdero, sous forme de récit, reste une poésie en action. Celle de la vie. La vie amoureuse en ses complications: les sentiments sont les armes tendres qui soulèvent nos mondes et les font basculer. En une époque qui se replie sur elle-même dans un néo-puritanisme, l’auteur propose un dialogue avec son semblable et frère lecteur (lectrice compris). Certes, Disdero parle de lui. Mais pour un tel objet ou thématique comment faire autrement ?
Etant lui-même la matière de son livre, de fait l’auteur tend à l’universel pour la seule raison qu’il ne fait pas le beau, se réduit même à sa propre inutilité qui ressemble à la nôtre.
D’où cette reconnaissance (à tous les sens du terme) que nous lui portons et dans laquelle nous nous retrouvons. Bien malin celui qui pense échapper aux lois implicites que l’auteur dessine en se perdant lui-même, sinon dans les affres de sa conscience, du moins dans ses “no man’s landes” où il divague au fil du temps entre amour fou et amour sage, entre altérité et solitude.
Pas question pour lui de conclure. Un auteur digne de ce nom ne se le permet pas. Seule la mort conclut chacun des habitants terrestres qui arpentent tant bien que mal leur zone de droit ou de non droit en tentant de jouer leurs rôles et faire les choses comme elles doivent se faire.
Le narrateur/auteur n’en tire aucune gloriole. Bien au contraire. “ça suit son cours” comme a écrit Beckett. Et Disdero lui emboîte le pas. Et nous le suivons pour approcher par ses histoires, des territoires cachés sans honte même et jusque ce qui est considéré hâtivement comme pornographique.
Existe en effet une ode à l’amour sous toutes ses formes qui ouvre les fenêtre de l’imagination par un éros qui vaut mieux que ce que les chers têtes blondes peuvent regarder sur la pléthore des sites pornos où est préférée la laideur à la beauté.
L’objectif n’est pas de sacrifier aux normes pudibondes mais pas non plus de s’y sacrifier, ce qui viendrait à rater le coche. Tout tient ici à des chaos sublimes. Ils font ce que la vie est. Et il ne faut surtout pas la galvauder. Mais il est souvent trop tard avant que nous nous rendions compte que ce peu est tout et que nous nous serions même contenter de moins.
Il y aurait là une autre histoire. Il se peut que Rémy Disdero “ex lieutenant de louveterie, tafouilleux puis rabassaire” un jour l’écrive.
jean-paul gavard-perret
Rémy Disdero, Tandis que les pains dorment, Le Tripode, Paris, 2019, 128 p. — 13,00 €.