La trilogie de cette histoire d’amour et de guerres est exceptionnelle. Il faut mettre guerres au pluriel : car si tout se passe entre deux jeunes gens qui ne pourront se marier qu’après la Première Guerre Mondiale (où ils ne cessèrent de s’écrire), ils seront à nouveau séparés pendant la Deuxième Guerre Mondiale. Mais ils s’aimeront toute leur vie et mourront dans la même semaine en 1984.
Les trois livres rassemblent la correspondance des deux tourtereaux (mais bien plus) qui se sont écrit pendant sept ans avant de réussir à se marier en dépit de la guerre et de la différence de religion.
La correspondance est d’abord naïve : les jeunes gens entrent en amour sans (presque) s’en apercevoir. Il est vrai que Léon Herrmann est de toutes les batailles. Il écrit du fond des tranchées sur de minuscules carrés de papier tandis qu’Hélène, de Troyes, cachette ses enveloppes à la cire : la censure s’en inquiète et se permet un regard inopportun sur ces amours naissantes. Si bien qu’ils vont s’écrire en un anglais souvent approximatif.
Le Capitaine courageux sera blessé, gazé, décoré. Les lettres deviennent plus personnelles, mais peu à peu Herrmann comprend qu’il est aimé. Un tel échange prouve que l’amour n’est pas le poison qu’on achète avec de l’or et qui se perd dans les larmes même s’il y en a eu, au gré des batailles et des permissions, des querelles et des réconciliations.
Souvent Herrmann reste plus soldat qu’amoureux. La guerre finie, pas question de retrouver sa Madelon contre laquelle il fait si bon dormir (entre autres). Il l’abandonne pour, en capitaine héroïque, rejoindre les USA et y enseigner aux officiers américains le maniement d’armes françaises. Il y sera admiré, choyé mais n’oubliera pas sa Champenoise.
Au milieu des tremblements du monde et du siècle, l’homme est ainsi révélé à lui-même par l’amour que sa future épouse lui porte. Ses paroles deviennent le moyen d’atteindre l’âme du Capitaine. Elle lui fait toucher sa vérité et lui permet de traverser l’Apocalypse.
Tumultueux, l’amour crée une lumière. Il n’est en rien un fardeau. Au contraire. Ce n’est plus le sort qui assène ses coups : le partage le métamorphose.
Et la “voix” de l’aimée crée une autre histoire au sein de l’Histoire.
jean-paul gavard-perret
Hélène Manon & Léon Herrmann, Eclats de Guerre et d’amour, Z4 Editions, Les Nans, 2019, 190 p. — 18,00 €.
” Un tel échange prouve que l’amour n’est pas le poison qu’on achète avec de l’or et qui se perd dans les larmes même s’il y en a eu…”