Charles Daubas, pour son premier livre, dépasse le point où se méfier des images cesse d’avoir un sens et où il ne s’agit que de s’abandonner sans réticences à elles. Et un tel thriller prouve que les images ne mènent jamais trop loin. Le vigie de la pseudo-connaissance bascule là où l’auteur organise et développe un univers d’un presque chaos : “Le corps atrophié, à peine ancré à la terre, Cherbourg convoite l’horizon et la mer de ses deux membres immenses, deux digues de pierre élancées au milieu des flots.”
La ville fait ce qu’elle peut pour embrasser l’océan puisque le continent du réel ne peut plus suffire.
De courts circuits en courts circuits le thriller quasi métaphysique — là où une étrange explosion emporte une partie de la digue et où tout reste classé secret défense avant qu’un adolecsent s’en mêle — fait plier le réel comme la pensée. Les deux surgissent comme ils n’ont pas voulu dans ce que les faits ont de « déraisonnables ».
Le roman traverse les eaux mentales pour atteindre un fond inconnu dont les images sont les alluvions. Elles élargissent la compréhension ou la perdent…
Le roman devient un fusil d’aube ou plutôt de crépuscule que l’on se passe de mains en mains pour traquer un monde crépusculaire loin de toutes les piges mystiques héritées de Platon. Avec Daubas — qui sait tous des urbanismes — le lecteur apprend à se perdre et se retrouver même lorsque l’être rejoint la solitude et qu’il doit l’adopter comme on adopte un jeune chien au poil frisé.
jean-paul gavard-Perret
Charles Daubas, Cherbourg, Gallimard, collection Blanche, Paris, 2019.