Jean-Christophe Portes, Minuit dans le jardin du manoir

Un polar enthousiasmant 

Six livres affichent, en cou­ver­ture, le nom de l’écrivain, dont quatre fic­tions his­to­riques ayant pour héros le gen­darme Vic­tor Dau­te­rive enquê­tant sous la Révo­lu­tion fran­çaise. Avec le pré­sent roman, l’auteur place son intrigue dans la période actuelle même si celle-ci a quelques rami­fi­ca­tions his­to­riques avec la conquête espa­gnole du Mexique, avec l’OAS en Algérie…

Un élève ingé­nieur, pas­sa­ble­ment émé­ché, tra­verse le parc du manoir de Cau­de­bec pour ren­trer chez ses parents. Il est minuit douze quand il tombe nez-à-nez avec une tête plan­tée sur un pieu, au milieu de l’allée prin­ci­pale. Des pièces d’or cachent ses yeux et ses dents. Il sort son télé­phone.
Nad­get Bakh­taoui, jour­na­liste pour TV1, rentre de la Bir­ma­nie inter­dite. Le lea­der natio­na­liste regrette ses pro­pos et fait prendre tout son maté­riel. Pré­voyante, elle avait pris ses pré­cau­tions. Le sujet sera monté et dif­fusé.
Denis Flo­rin est notaire, comme son père qui avait hérité de l’étude fami­liale. Il vit dans le manoir, avec Colette sa grand-mère, depuis le décès de ses parents quand il avait sept ans. Elle a la répu­ta­tion d’être la vieille folle du manoir. La tren­taine, il mène une exis­tence ran­gée entre son étude et la recons­ti­tu­tion de la bataille de Mari­gnan. C’est au matin, en se ren­dant à son étude, qu’il fait la décou­verte macabre. Bou­le­versé, il cherche Colette. Sa chambre est vide, elle a dis­paru. Sur Inter­net, il découvre la photo de la tête coupée.

Très vite, l’endroit est loca­lisé. Vou­lant chas­ser un couple de jour­na­listes qui rôde dans le domaine il est filmé, hur­lant, cou­rant vers l’objectif armé d’un sabre et d’une épée. La séquence fait le tour des rédac­tions et on l’appelle L’assassin fou du manoir. La police, repré­sen­tée par Jean-Michel Tri­vi­dec un lieu­te­nant vani­teux, Nad­get envoyée par sa rédac­tion sur les lieux, entrent en scène.
Com­mence alors pour Denis une suc­ces­sion d’événements, d’actions toutes plus désta­bi­li­santes les unes que les autres pour ce céli­ba­taire lunaire…

Deux per­son­nages prin­ci­paux portent l’histoire. Denis Flo­rin, un tren­te­naire sans his­toire, à la vie ran­gée et fade, mais qui pos­sède une vive intel­li­gence et des capa­ci­tés à révé­ler. Nad­get Bakh­taoui, d’origine kabyle, une jeune jour­na­liste qui n’a pas froid aux yeux, qui a un carac­tère épou­van­table et une pro­pen­sion à jurer sans cesse. Elle cherche des angles d’approches inha­bi­tuels pour ses repor­tages. C’est ainsi qu’elle côtoie Denis et com­prend qu’il dit la vérité lorsqu’il affirme être inno­cent du crime dont la police l’accuse.
Le roman­cier entraîne son couple de héros dans une course éper­due de la Nor­man­die à l’Espagne, à Gibral­tar, les trans­for­mant en fuyards devant la police fran­çaise, devant un mafieux. Il les entoure d’une gale­rie de per­son­nages tous plus pit­to­resques et sin­gu­liers les uns que les autres, aux carac­tères com­plexes se révé­lant peu à peu. Si les uns sont atta­chants, empa­thiques, on aime à détes­ter ceux qui ont endossé le rôle de méchant.

Jean-Christophe Porte construit son récit autour d’une chasse au tré­sor, d’un magot col­lecté par Cor­tès au Mexique pour le roi d’Espagne, magot volé par le cor­saire nor­mand Jean Flo­rin. Avec des cha­pitres courts, voire très courts, le roman­cier impulse un tempo sou­tenu à son récit et à son intrigue. Il mul­ti­plie les tra­jec­toires, les ren­ver­se­ments de situa­tions et les révé­la­tions. Il prend le parti de l’humour, beau­coup d’humour à par­tir des situa­tions cocasses qu’il se plaît à mettre en scène, dans les dia­logues par­ti­cu­liè­re­ment savou­reux et dans les rap­ports entre les per­son­nages.
Il pointe, aux détours de para­graphes, nombre de faits, de réflexions sur notre société comme la façon de tra­vailler des médias, moquant cette course à l’exclusivité, au scoop. Mais il juge aussi son livre à l’aune des clas­siques du roman d’aventures et des romans poli­ciers citant Tin­tin, Ma Dal­ton James Bond…

Le roman­cier découpe son récit en quatre-vingt-dix-sept cha­pitres tous inti­tu­lés d’un mot, un nom ou un adjec­tif, se ter­mi­nant par “tion” ou “sion”, tous par­fai­te­ment en accord avec le contenu. Avec Minuit dans le jar­din du manoir, Jean-Christophe Portes signe un roman magni­fique à l’intrigue cise­lée pour une ten­sion crois­sante, ne reniant pas l’aventure débri­dée, servi par un couple de héros et une gale­rie de per­son­nages remar­qua­ble­ment cam­pés.
Le tout est raconté avec une plume alerte, avec verve et humour.

serge per­raud

Jean-Christophe Portes, Minuit dans le jar­din du manoir, Édi­tions du Masque, mars 2019, 384 p. – 19,90 €.

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Filed under Chapeau bas, Pôle noir / Thriller

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