Le premier livre d’Eva Mulleras est une surprise. Le corps y existe. Mais dans une dimension particulière. Et sulpicienne. Il n’est pas donné pour acquis tant il est soumis à une dévoration et une quasi auto-mutilation : celle qui est acceptée de l’autre qui le creuse et en fait sa chose.
Toutefois, une telle “oscillation” est à multiples entrées et mouvements. Et ce, dans une tension constante entre le souffle et l’étouffement. Si bien que l’avalée est aussi avalanche. L’écriture devient le déploiement d’une confusion et d’un emportement. Elle devient élastique comme le corps qui se tord, se donne, se dilue dans l’ombre et l’appel mais aussi dans la peur du vide à combler qui ne laisse pas indemne.
Le poème est l’aveu, le dévoilement, le trou de la serrure. La montée d’une marée. Il est aussi celui des secrets d’un éros plus que jamais énergumène. Il fait sortir de soi tout en se laissant devenir captif et emporté. Rien ne résiste à l’espoir de ce que la volupté espérée ne peut peut-être pas donner.
Pesanteur et apesanteur, lumière et obscurité se mêlent dans un bain forcé, une cérémonie des aveux, une chorégraphie charnelle.
Tout joue entre le vide et le plein là où le silence se montre dans une sensualité aussi puissante qu’allusive. La femme disparaît tel un fantôme qui ramène aux ombres et rayonne d’une aura puissante entre la perte et la reprise. Chacun peut se demander s’il faut voir dans ce mouvement l’effet d’une pulsion de mort.
Mais l’abîme du néant est bloqué par la force des images là où, pourtant, la vision semble soumise à une forme d’entrave ou d’impossibilité. Rarement la poésie atteint cette force de caresse et de percussion.
jean-paul gavard-perret
Eva Mulleras, L’oscil, Editions Unes, Nice, 2019, 80 p. — 16,00 €.