The Scarlet Letter (Angélica Liddell / Nathaniel Hawthorne)

Une jouis­sive bro­de­rie métaphysique

La scène s’ouvre sombre, solen­nelle. Un ado­les­cent avec un skate la tra­verse et s’approche d’une tête en pierre posée à terre, celle de Socrate, à laquelle il donne une acco­lade. Au moyen de tableaux ellip­tiques et sug­ges­tifs, on évo­quera l’histoire d’Hes­ther Prynne, membre d’une com­mu­nauté puri­taine de Bos­ton. Condam­née à por­ter sur la poi­trine la lettre A – A come Adul­tère, A comme Angé­lica, A comme Amou­reuse, on verra… — pour avoir eu un enfant durant les années d’absence de son mari, elle tait le nom de celui qui l’a enfan­tée, le prêtre.

On assiste à une cho­ré­gra­phie com­plexe, à la sym­bo­lique expli­ci­te­ment voi­lée. S’y invitent la nudité omni­pré­sente, des tables de célé­bra­tion, de tor­tures, de rites her­mé­tiques, c’est selon, le Ku Klux Klan, des hommes char­més embo­bi­nés, le tout orches­tré dans un savant bal­let sur des musiques plain­tives. Une pré­ten­tion méta­phy­sique à dire quelque chose des frasques ima­gi­naires de l’après-vie. Cette femme sur laquelle on essaie de tirer le rideau ne cesse de le tra­ver­ser, au risque de le déchirer.

Un ques­tion­ne­ment de la reli­gio­sité, tout aussi bien que des marasmes de l’âme humaine en proie à une déré­lic­tion, qu’elle ne comble que par le choix de ses propres souf­frances. Une réflexion sur l’emprise sociale, sur l’envoûtement amou­reux, sur la vigueur de la trans­cen­dance et sur l’impossible auto­no­mie. Une fresque ambi­tieuse, aux allures un peu fou­traque, dans la mesure où les thèmes sont trai­tés autant comme des cris, des émo­tions, des gestes que comme des signi­fi­ca­tions. La célé­bra­tion de l’amour avide, l’imprécation gran­di­lo­quente contre les femmes vieillis­santes dit com­bien il est vain de per­pé­tuer et de se sou­mettre à toute dési­gna­tion, de recon­duire la faute au stig­mate ori­gi­nel que consti­tue le vagin.

Ange­lica Lid­dell construit une bro­de­rie méta­phy­sique et jouis­sive dont la forme est volon­tai­re­ment frag­men­taire, évo­ca­trice. Le spec­tacle peut sem­bler par­fois s’égarer en consi­dé­ra­tions esthé­tiques com­plai­santes et auto­ré­fé­ren­tielles. Rien de grave. Il réus­sit avec bon­heur à célé­brer l’obscur, le signi­fiant, le trans­gres­sif, le fal­si­fiant, contre le clair, le signi­fié, le nor­ma­tif, le vérifiant.

chris­tophe gio­lito & manon pouliot

 

The Scar­let Letter

texte, mise en scène, scé­no­gra­phie, cos­tumes et jeu Angé­lica Liddell

libre­ment ins­piré de l’œuvre de Natha­niel Hawthorne

© Bruno Simao

avec Joele Anas­tasi, Tiago Costa, Julian Ise­nia, Angé­lica Lid­dell, Borja López, Tiago Man­silha, Daniel Matos, Eduardo Molina,  Nuno Nolasco, Anto­nio Pau­letta, Anto­nio L. Pedraza, Sindo Puche

Au théâtre de la Col­line, 15, rue Malte-Brun 75020 Paris 01 44 62 52 52

https://www.colline.fr/spectacles/scarlet-letter

Du 10 au 26 jan­vier 2019 au Grand Théâtre

du mer­credi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30

spec­tacle en espa­gnol sur­ti­tré en fran­çais durée 1h40

Assis­ta­nat à la mise en scène Borja Lopez

Pro­duc­tion et dif­fu­sion Gumer­sindo Puche

Pro­duc­tion Iaqui­nandi, S.L.
Copro­duc­tion La Col­line — théâtre natio­nal, Tea­tros del Canal — MadridCentre dra­ma­tique natio­nal Orléans/Centre –Val de Loire
avec le sou­tien du Tea­tro Nacio­nal D. Maria IIBoCA — Bien­nial of Contem­po­rary Arts (Lis­boa / Porto)
Le spec­tacle pré­sente des scènes de nudité, des gestes posés sur le pla­teau peuvent être sources de gênes pour cer­tains spectateurs.

Spec­tacle créé au CDN Orléans / Centre –Val de Loire les 6 et 7 décembre 2018

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