Wilfrid Lupano & Paul Cauuet, Les vieux fourneaux – t.05 : “Bons pour l’asile”

Un nou­vel épi­sode détonnant 

Wilfrid Lupano conti­nue, dans cet album, à abor­der nombre de pro­blé­ma­tiques actuelles, nombre de faits de socié­tés qu’il traite avec un humour à la fois cha­leu­reux et grin­çant, voire décalé. On retrouve avec plai­sir l’île de la Tor­due, un lieu qui a bien évo­lué et qui a su s’adapter aux exi­gences du moment pour atteindre son objec­tif.
Ses per­son­nages ont constaté que c’est l’émigrant pauvre qui gêne, qui fait désordre, qui est rejeté. Le riche, par contre, ne pose pas de pro­blème. “Quand c’est le Qatar qui rachète les musées, les plages pri­vées et les clubs de foot, per­sonne ne crie à l’invasion arabe. Tout le monde est content.” Ils font donc en sorte que cette pau­vreté “dis­pa­raisse” et ins­tallent un fonds d’investissements. Le scé­na­riste rap­pelle que le cou­tu­rier Hugo Boss a : “…habillé les nazis des bottes à la cas­quette.”

Sur le trot­toir d’un quar­tier huppé de Paris, Fan­fan pro­gresse len­te­ment. Face à l’ambassade de la Suisse, elle libère un canot pneu­ma­tique qui se gonfle ins­tan­ta­né­ment. Sur­gissent alors Pier­rot et son groupe, habillés en nan­tis avec haut-de-forme. Ils s’installent sur ce navire, façon Radeau de la Méduse, et réclament l’asile fis­cal. La police inter­vient et embarque tous les mani­fes­tants.
Arrivent à Paris Émile, Antoine et Juliette. Émile se désole car Errol, qui avait tout orga­nisé pour assis­ter au match de rugby France-Australie dans les meilleures condi­tions, n’a pas pu prendre l’avion à cause de ses nom­breuses pro­thèses. Il vou­drait pro­po­ser la place à Pier­rot mais il n’arrive pas à le joindre. Et pour cause, celui-ci est en garde à vue !
Antoine file retrou­ver Sophie, sa petite-fille pour lui confier Juliette et donne rendez-vous à Émile à L’Île de la Tor­due. Mais rien ne va se pas­ser comme prévu et de mul­tiples obs­tacles vont se dres­ser sur leurs routes…

Lupano se moque gen­ti­ment des seniors qui portent de plus en plus de pro­thèses en ima­gi­nant qu’Errol n’ait pu mon­ter en avion. Mais, comme le décrit Antoine : “C’est un peu le chaî­non man­quant entre l’homme et la machine infer­nale.” Sous l’humour tou­te­fois, il pose un regard acéré sur les dys­fonc­tion­ne­ments de notre société, évo­quant l’île de Nauru, ce petit para­dis devenu une honte, les exi­lés fis­caux…
Ses remarques, ses mises au point, frap­pées au coin du bon sens, trai­tées avec élé­gance, ser­vies par une écri­ture et un style enle­vés, font mouche.

Paul Cauuet fait mer­veille avec son des­sin pré­cis, au trait juste pour expri­mer les sen­ti­ments des pro­ta­go­nistes. Et la plage est vaste depuis les séniors blan­chis sous le har­nais jusqu’à la petite Juliette. Si la mise en page reste clas­sique, elle sert par­fai­te­ment le scé­na­rio par une belle lisi­bi­lité. Avec ce cin­quième tome, Wil­frid Lupano frappe fort, donne une fois encore un récit épous­tou­flant, pro­vo­quant une addic­tion à la série, fai­sant sou­hai­ter qu’elle ne s’arrête sur­tout pas.

serge per­raud

Wil­frid Lupano (scé­na­rio), Paul Cauuet (des­sin), Jérôme Maffre (cou­leurs), Les vieux four­neaux – t.05 : Bons pour l’asile, Dar­gaud, novembre 2018, 56 p. – 12,00 €.

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