Gérard Duchêne, Lisibles et illisibles + 3 expositions

Econo­mie de l’espace de la page

Lisibles et illi­sibles consti­tue le cata­logue rai­sonné des livres de Gérard Duchêne (1944–2014). Il fut un acteur majeur des poètes et artistes du groupe “Tex­truc­tion” qui à coté de “B.M.P.T.” et “Supports.Surface” mar­qua une des décons­truc­tions chères aux années 70,et qui dans ce groupe affec­tait la concep­tion du livre et en par­ti­cu­lier du livre d’art.
Ce cata­logue fait le point sur le tra­vail de l’artiste au sein de l’espace, la forme et la matière du sup­port. Poète au départ, très vite il s’intéresse à l’économie de l’espace de la page qu’il frac­ture. Les mots prennent leur liberté et le livre mue en, boule, bâton, objet de plâtre etc.. Il est donc donné à lire, à voir, à pra­ti­quer dans de dégondement.

A côté de Gérard Badin, Ger­vais Jas­saud et Michel Vachey, Duchêne reste donc un des­truc­teur mais tout autant un recons­truc­teur. Il signe ainsi un temps par­ti­cu­lier de l’histoire de l’art et de la poé­sie. Ce livre retient essen­tiel­le­ment en dehors des images les textes du créa­teur accom­pa­gnés de ceux qui l’ont accom­pa­gné dans son tra­vail et son temps. Gérard Duro­zoi, Isa­belle Her­bet, Pierre Manuel, Anne-Marie Pon­cet (au pre­mier plan), David Rit­zin­ger rap­pellent les enjeux d’une telle oeuvre qui reste encore pour beau­coup à décou­vrir.
Anne-Marie Pon­cet rap­pelle com­bien Duchêne ne cessa d’explorer diverses pistes, à par­tir de l’écrit en jouant avec une esthé­tique où demeura pré­sente l’importance de la cou­leur comme de la matière. Dans l’espace même du livre (sous le titre « Jour­nal d’Il ») il créa un de ses chefs-d’oeuvre :  une écri­ture illi­sible, que n’aurait pas renié Dotre­mont, devint une archéo­lo­gie intem­pes­tive du pré­sent en met­tant en exergue la maté­ria­lité de l’écrit au mépris (du moins en appa­rence) du sens et dans l’expression de la limite de la pensée.

Ce fut la manière de la pous­ser vers d’apparents fos­sés que rap­pelle un des textes les plus forts du créa­teur : « Il fau­drait dire / Il fau­drait / Pour­tant il ne dit pas / il le pour­rait peut-être / mais à vrai dire / Il n’a rien à dire / Tout est dit semble-t-il condensé / dans une tête qui ne lui appar­tient plus / Silen­cieux / Attendre que la chair fonde / sous les mots ». Tout était dit ou presque.
Pour Duchêne, tout écrit ne fut donc qu’une « réa­lité pré­caire » et trans­for­mable. Son sup­port aussi. Mais le temps est venu de don­ner à cette oeuvre une éter­nité qui ne soit pas pro­vi­soire. Trois expo­si­tions accom­pagnent cette édi­tion pour que ce temps pur advienne.

jean-paul gavard-perret

Gérard Duchêne, Lisibles et illi­siblesméri­dianes édi­tions, col­lec­tion Qua­drant – série Textes, Mont­pel­lier, 2018 — 30,00 €.

Évé­ne­ments pré­vus à l’occasion de la paru­tion de Lisibles et illi­sibles:
– Pré­sen­ta­tion du livre lors du Salon Page(s) biblio­phi­lie contem­po­raine et livres d’artistes du 23 au 25 novembre, stand des édi­tions méri­dianes, Palais de la femme, Paris 11ème,

- Expo­si­tion Gérard Duchêne, Gale­rie L’Espace du dedans, Lille (à par­tir du 30 novembre 2018),
– Expo­si­tion Gérard Duchêne, Gale­rie L’Isolée, Vil­le­neuve d’Ascq (à par­tir du 15 décembre 2018)

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Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Poésie

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