Eugénie Bastié livre une réflexion des plus intéressantes sur le féminisme actuel qui connaît une impulsion nouvelle depuis l’effrayante affaire Weinstein et les phénomènes « Balance ton porc » et « Me Too ». Etoile montante de la droite conservatrice, la jeune journaliste ouvre un espace de respiration dans l’actuel climat de suspicion généralisée et confirme que le féminisme recoupe des courants très divers.
Son essai réfléchit sur la nature de la guerre des sexes désormais à l’œuvre en la replaçant dans une perspective historico-culturelle et, par là-même, met en lumières ses complexités, ses limites et ses risques.
L’auteur met en cause plusieurs éléments de cette cause dite de défense des femmes : ses indignations à géométrie variable (guère de protestations sur les viols de Cologne), le refus de mettre en cause le dérèglement des mœurs comme terrain fertile pour les brutalités faites aux femmes, l’engagement à gauche de Weinstein et son financement de toutes les grandes causes sexuelles de notre temps, sans parler des scandales étouffés au sein de certaines ONG ou encore le silence pudique jeté sur les textes inouïs de violences misogynes des rappeurs à la mode. On pourrait continuer la liste.
Un point développé par Eugénie Bastié retiendra plus particulièrement l’attention : la nature proto-totalitaire du féminisme radical. L’auteur a bien saisi la mécanique à l’œuvre de régénération des êtres humains, d’utopie démiurgique, de remodelage des consciences et des comportements qui, derrière la noble cause de défense du corps des femmes, vise à purger la société de ses « malfaisants » ou même de ses « mal pensants ».
Eugénie Bastié décèle dans ces combats le rêve d’une destruction de l’identité masculine, voire d’une refonte de la civilisation occidentale qui pourtant est celle qui a le plus fait pour les femmes.
Faut-il alors revenir vers les fondements de la civilisation chrétienne ? Celle qui vénère la Vierge comme nouvelle Eve, l’offre à la piété des fidèles aux côtés des innombrables saintes qui, depuis le pied de la Croix, n’ont jamais cessé d’accompagner le Christ ? Cette civilisation qui, comme le rappelle Eugénie Bastié, promeut comme valeurs suprêmes l’honneur et la pudeur ?
“Combattez le péché, aimez le pécheur” dit l’Eglise. Comme pour mieux donner raison à Chesterton qui parlait des vertus chrétiennes devenues folles, on nous enjoint aujourd’hui d’aimer le péché et de haïr le pécheur. Sans pardon aucun.
Eugénie Bastié en toute logique conclut : « Le manichéisme libertaire rejoint le manichéisme puritain en ce qu’ils dissocient tous deux le composé humain, refusant le mystère et le miracle de l’incarnation.
D’un côté exaltation de la nature ; de l’autre, sa négation. » Et de cette négation sont nés tous les totalitarismes depuis 1793.
frederic le moal
Eugénie Bastié, Le porc émissaire. Terreur ou contre-révolution, Cerf, septembre 2018, 175 p. — 18,00 €.